e speciale dont les consequences puissent etre
tournees contre le dogme; car toute doctrine a ete recusee, des qu'il
s'agit du dogme, et le mystere a ete mis en dehors de la philosophie.
Faute de cet avertissement prealable, aucune discussion ne serait
innocente ni possible sur le dogme de la Trinite. En vous tenant
strictement au langage de la science, essayez de comprendre sans heresie
les celebres paroles de Bossuet sur la Trinite dans _le Discours sur
l'histoire universelle_[396]; ou elles ne doivent pas etre entendues en
rigueur, ou elles contiennent la negation des personnes de la Trinite.
Une comparaison psychologique y assimile celles-ci a des phenomenes
intellectuels, a nos facultes, qui n'introduisent aucune difference dans
l'unite de la personne humaine. Bossuet est donc sabellien dans les
termes. Logiquement, adresse a la doctrine et au langage, le reproche
est irrefragable; adresse a la personne, ce serait une calomnie. Abelard
nous parait avoir ete calomnie ainsi.
[Note 396: IIe partie, c. XIX. Cf. son sermon sur le mystere de la
tres-sainte Trinite, et ci-dessus, p, 315.]
Maintenant est-il prudent et convenable de se plaire a ces expositions
metaphysiques du mystere, lesquelles ne sont innocentes qu'a la
condition de passer pour des metaphores philosophiques? Est-il
consequent de traduire le probleme de la nature de Dieu dans la langue
de la science, en professant que cette langue ne s'y adapte pas
regulierement? Que dirait-on de celui qui donnerait la theorie
mathematique d'une question a laquelle il aurait declare que les
mathematiques sont inapplicables? Cette inconsequence est celle
d'Abelard, mais de bien d'autres avec lui. Il a pour donnees une seule
substance et trois personnes dans un meme etre, et il entreprend de les
discuter pour les etablir philosophiquement. Defense a lui de vous dire,
pour expliquer quelle est la difference des personnes, que c'est une
difference substantielle; il faut bien alors que ce soit une difference
modale. La faute n'est pas de dire cela, mais de pretendre savoir sur
quelle difference repose la distinction des personnes. Une fois accorde
qu'il s'agit d'une difference de propriete, ce n'est pas sa faute si
vous vous dites a vous-meme: une propriete n'est pas une chose reelle et
subsistante par elle-meme; donc la personne n'est pas subsistante, elle
n'est qu'un mode de la substance. C'est vous qui etes nominaliste, et
non pas lui, c'est vous qui devenez, par son i
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