cette sagesse n'etait celle de personne
au temps ou la theologie se formait, et l'on ne peut s'etonner qu'elle
ait manque au curieux Abelard.
Mais si, dans l'interet de la foi, il a eu tort d'appliquer, meme
avec mesure, la dialectique a l'exposition du dogme de la Trinite,
reconnaissons au nom de la philosophie que cette application etait la
seule forme que de son temps put prendre a sa naissance la theodicee
rationnelle, et il fallait bien, ici je parle en homme du XIXe siecle,
que la raison preparat son emancipation.
Orthodoxe ou heretique, chretienne ou profane, la theologie d'Abelard
est une philosophie en matiere de religion, une theodicee. Qu'en faut-il
penser a ce titre et quelle en est la valeur scientifique? Ce serait
un second examen qui se prolongerait sous cette nouvelle forme, et
reprendrait une a une toutes les questions concernant la nature de
Dieu, la creation, le gouvernement du monde. Il suffira de quelques
observations.
Les docteurs du moyen age ne sont pas entierement responsables des
principes de leur philosophie religieuse. Ils ne l'ont ni inventee ni
choisie, ils l'ont trouvee toute faite et recue de la tradition. Ce
n'est que lorsqu'elle modifie la doctrine chretienne et dans la mesure
ou elle l'a modifiee, qu'ils peuvent etre juges comme penseurs et
figurer en personne dans les annales de la philosophie. On ne peut leur
demander compte que de ce qu'ils ajoutent ou retranchent aux croyances
communes de l'Eglise; celles-ci constituent une doctrine, une ecole, qui
n'est a vrai dire celle de personne, et qui n'est pas autre chose que le
christianisme. Abelard chretien n'a plus d'individualite, par consequent
plus d'importance. Ce qu'il pense ou dit a ce titre a moins de valeur
que le plus simple, le plus modeste catechisme. N'examinons donc pas, a
propos de tel ou tel dogme qu'il adopte et reproduit, quelles sont les
origines on les consequences de ce dogme, et si telle ou telle theorie
catholique porte des traces de platonisme ou ramene, par l'ecole
d'Alexandrie, aux philosophies orientales. La theologie d'Abelard dans
son essence est celle du monde contemporain.
Les exceptions sont rares dans l'Eglise; on compte peu de docteurs qui,
en conservant les formes chretiennes, aient innove au fond et introduit,
a la faveur de l'orthodoxie dans les termes, une philosophie etrangere
a la tradition. Dans les premiers siecles et parmi les Peres il se
rencontre bien de ces hardis penseurs dont l'Egli
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