nfluence et contre son
gre, sabellianiste a son ecole. Quelle ressource lui reste-t-il? Celle
de vous mettre en defiance contre cette conclusion du general au
particulier et du cree a l'incree. Il ne peut pas vous dire que les
proprietes sont substantielles, mais il se garde de vous dire qu'elles
ne sont pas reelles; il le penserait, il l'aurait dit anterieurement,
quand il s'agissait des choses de la creation, qu'il s'interdirait de
qualifier de meme ce qui est au-dessus de la creation. Il vous dira au
contraire que la Trinite est, qu'elle est reelle, qu'elle est non
_in vocabulis_, mais _in re_. Le nominalisme consiste _a classer in
vocabulis_ ce que le realisme constitue _in re_[397]. Que vous dirait
donc de plus un realiste? Pour lui, comme pour toute intelligence
humaine, il le faut, la nature divine doit deroger a toutes les
conditions des autres natures. Si sa doctrine metaphysique lui donnait
les moyens de concilier la coexistence de trois personnes dans une meme
substance, il detruirait le mystere, il ferait descendre le ciel sur la
terre, il humaniserait la Divinite. C'est pour lui une loi, comme pour
le nominaliste, que la raison, sur sa pente naturelle, doive, quand elle
specule sur la Trinite, etre emportee a des consequences enormes; c'est
l'enormite de ces consequences, toujours presente, toujours menacante,
qui fait que la Trinite est un mystere, c'est-a-dire un dogme et non un
probleme, un article de foi et non une question philosophique.
[Note 397: _Theol. Chr_., t. IV, p. 1280.]
Ce dernier point si important, Abelard le neglige, et comme lui tous
ceux qui, avant ou apres lui, ont essaye une demonstration philosophique
de la Trinite. Aucune des demonstrations que l'Eglise autorise ou tolere
n'echappe peut-etre completement aux critiques que l'orthodoxie peut
diriger contre la sienne. La theorie de saint Thomas, si prudente et
si reguliere, presente encore, ainsi qu'on l'a pu voir, ce melange de
science et de dogme, de dialectique et de mysticite, qui tour a tour
excite et paralyse le raisonnement, et ajoute a la difficulte des
mysteres celle de la contradiction des termes. Le plus sage nous
semblerait donc de recevoir religieusement de la tradition evangelique
le dogme de la Trinite, et d'en considerer la theorie canonique comme
une regle ecrite, destinee a prevenir toute tentative d'interpretation
et a en tenir la place dans le langage chretien, sans introduire dans
l'esprit une idee de plus. Mais
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