Alors que sont-elles reellement? la relation est la personne meme; la
paternite ne differe pas en realite du Pere, car la distinction de
la matiere et de la forme n'etant point admise dans l'etre divin,
l'abstrait n'y differe pas du concret. Or, qu'est-ce que la personne du
Pere en realite ou substantiellement? L'essence divine en tant que Pere.
Ces mots _en tant que Pere_ sont-ils l'expression d'un accident du
sujet? L'unite divine, cette seule et veritable unite, n'admet pas plus
la composition du sujet et de l'accident que celle de la matiere et de
la forme. Tout ce qui est attribue en predicat a Dieu n'est attribut
qu'en apparence, hypothetiquement, par une loi de notre intelligence; au
vrai, tout ce qui lui est attribue lui est essentiel; tout en lui est
essence. Ainsi, de meme que les relations sont les proprietes, et les
proprietes, les personnes, la personne n'est pas dans la realite autre
chose que l'essence. _In Deo non aliud persona quam essentia secundum
rem_[395].
[Note 395: S. Thom. _Summ._, ibid., a. 1, et qu. XI., a. 1.]
Ainsi la scolastique est obligee, des qu'elle se lance dans l'analyse
logique du dogme, d'ecarter peu a peu toutes les distinctions
scientifiques, en les presentant comme des suppositions de notre
intelligence, comme des moyens de raisonnement, comme des formes
subjectives, c'est-a-dire que les relations, les proprietes, les
personnes arrivent a n'etre plus qu'ideales, et la Trinite objective
s'evanouit. Je crains fort que saint Thomas n'ait expose les plus purs
principes du sabellianisme philosophique. Voila bien cette fois la
theologie devenue nominaliste.
Son exemple me ramene donc, comme celui d'Abelard, a cette conclusion:
il n'y a point de science de la Trinite.
Mais puisque l'Eglise a donne l'exemple d'en essayer une, l'imitation
respectueuse de l'Eglise peut conduire a l'erreur, non a l'heresie; nous
croyons que l'erreur est inevitable, mais elle n'est point criminelle,
c'est-a-dire heretique, lorsqu'elle est presentee avec reserve,
lorsqu'on a soin d'avertir, comme le fait Abelard, que rien ne doit etre
pris au pied de la lettre, parce que ni la logique ni le langage ne
s'appliquent exactement a la Trinite. Que devient alors le nominalisme,
le realisme ou tout autre systeme sur les rapports de l'intelligence
humaine et de l'ontologie? Nous sommes engages dans une question en
dehors de tous les systemes, en dehors de toutes les terminologies. Il
n'est donc plus de doctrin
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