a puissance, la sagesse, la bonte sont en effet
des attributs de l'essence divine. Des theologiens, pour excuser l'usage
de les rapporter chacun a une personne en particulier, disent que
c'est pour mieux faire connaitre la Trinite, en montrant comment
se manifestent specialement les personnes, qui la constituent. Ces
attributs essentiels de la Divinite sont, ajoutent-ils, _appropries_
ainsi aux personnes, mais ne leur sont pas _propres_; s'ils leur etaient
propres, chaque personne deviendrait une veritable forme dont la
substance divine serait la matiere, c'est-a-dire que celle-ci ne serait
pas Dieu sans ces formes, ou qu'avec ces formes elle serait plus que
Dieu: ce qui est une heresie manifeste[393].
[Note 392: C'est encore comme une certaine realisation de la puissance,
de l'intelligence et de l'amour, realisation successive, non par ordre
de temps, mais de principe, c'est comme une sorte de _processus_ a trois
degres dans l'essence divine, qu'un ecrivain tres-recommandable, M.
l'abbe Maret, a presente le dogme de la Trinite. Il est aussi formel
a cet egard qu'il est permis de l'etre. (Voyez l'interessant ouvrage
intitule _Theodicee chretienne_, lecon XIIIe, Paris, 1844.)]
[Note 393: S. Thom. _Summ._, 1, qu. xxxix, n. 7.]
Cette decouverte subtile entre la propriete et l'appropriation, Abelard
ne l'avait pas faite, ou quoi-qu'il ait en quelque pensee de ce
genre[394], il ne s'y est pas montre assez fidele, et il est tombe
dans l'erreur de transformer des attributs essentiels et absolus en
proprietes personnelles et relatives; seulement, dans sa prudence, il
a rappele que ces mots de proprietes, de difference, etc., ne devaient
plus, quand il s'agit de Dieu, etre pris dans un sens rigoureux et
technique. C'etait indirectement confesser l'abus et le peril de
l'application de la dialectique au dogme.
[Note 394: Voy. ci-dessus, c. ii, p. 193 et suivantes.]
La theologie scolastique orthodoxe ne s'est pas montree beaucoup plus
sage. Que penser de la subtilite qui permet l'appropriation et rejette
la propriete? Les proprietes, a-t-on dit, sont les relations; mais les
relations s'appellent aussi _les notions_, ou signes reconnaissables des
personnes. Sous ce dernier nom, elles ne sont que de pures idees, des
moyens de concevoir on plutot de raisonner; mais ontologiquement, en
elles-memes, les relations ou proprietes sont-elles davantage? Elles
sont reelles, dit saint Thomas, elles ne sont pas purement rationnelles.
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