endent l'une et l'autre a faire regarder les
proprietes divines, et particulierement la distinction des personnes,
comme quelque chose d'intellectuel, et plutot comme une condition
de notre esprit que comme une expression vraie et adequate de la
realite[389]. Le second, plus rassurant, c'est que toutes deux finissent
par conclure a une specialite incomparable, a un mystere surnaturel dans
la nature de l'etre divin, qui se trouve place en dehors des donnees
communes de la science et du langage.
[Note 389: Gregoire le Thaumaturge a ose dire que le Pere et le Fils
etaient deux par la pensee, un par l'hypostase, [Grec: epinoia men
einai duo, upostasei oe in]. Le P. Petau, qui cite ces mots apres saint
Basile, ne les excuse qu'en disant qu'il faut ici par hypostase entendre
substance, et qu'etre deux par la pensee signifie n'etre pas deux
essentiellement (t. II, t. I, c, iv, p. 22).]
Or, maintenant dans quel sens s'est declare Abelard? Il nous semble
qu'il s'est plutot eloigne de l'interpretation des dialecticiens grecs;
il penche evidemment pour celle qui s'appuie davantage sur la nature
mysterieuse de Dieu, et qui interdit le plus severement a la science de
la confondre avec les natures finies. Sa doctrine trinitairienne,
quoi qu'on en puisse penser d'ailleurs, donne bien peu d'acces a
l'application de la theorie du genre et de l'espece; elle ne se
rencontre presque sur aucun point avec la doctrine de saint Jean de
Damas, et parait bien plus pres de celle de saint Anselme, laquelle
devait un jour devenir celle de saint Thomas d'Aquin.
Dans la diversite de noms Abelard apercoit d'abord une difference de
generation ou plutot d'origine: le Pere n'est point engendre et le Fils
est engendre; de cette difference resulte pour chaque personne une
relation distinctive comme la paternite, la filiation. Qu'est-ce donc
que les proprietes des personnes? Leurs relations sont-elles les seules
proprietes? Oui, selon le principe pose par Boece:
"La relation multiplie la Trinite[390]." Ces proprietes ont l'avantage
de ne pas designer seulement un simple attribut, mais la personne
meme; c'est ce qui, en langage d'ecole, s'exprime ainsi: "La relation
constitue l'hypostase." La relation est donc la meme chose que la
propriete; la propriete distingue la personne, et pour nous elle la
definit; elle est la personne. Du Pere retranchez la paternite, reste
Dieu, ou l'essence qui n'est aucune personne en particulier[391].
[Note 390: "Relat
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