riture enonce, de chacune sous son nom, certaines
choses contenues en tels et tels versets; puis, de croire ces choses
et de n'en pas savoir davantage. Mais la curiosite de l'esprit humain,
celle meme de l'Eglise veulent aller plus loin, et la question se pose.
Les personnes sont plusieurs, donc elles different; mais elles ne
different point par l'essence; elles different donc parles qualites.
Or, ce qui serait les qualites, modes, ou accidents de Dieu, s'appelle
attributs, et ces attributs appartiennent a l'essence divine ou la
constituent. Ce que l'on cherche, ce ne sont donc pas les attributs de
l'essence; ils sont, ainsi qu'elle, communs aux personnes; ce sont des
attributs propres aux personnes, ou les proprietes. Quelles sont les
proprietes des personnes? Ici, l'on marche sur un terrain glissant.
Le plus sur serait encore de prendre le nom de chaque personne pour
l'expression de sa propriete, et de dire simplement que la propriete du
Pere est la paternite, celle du Fils la filiation (_filictas_), celle du
Saint-Esprit, la _spiration_[364]. Mais les Peres ont pretendu en dire
davantage.
[Note 364: Damasc., _De Fid._, I, VIII, et III, V.--"Pater paternitate
est Pater." (S. Thomas, _Summ. Theol._, I, q. XL., a. 1.)--"Proprium
Patris est quod semper Pater est." (Hil., _De Trin._, XII.) "Nihil habet
Filius nisi natum, nativitate autem est Filius." (_Id., ib.,_ IV.--Cf.
P. Lomb. _Sent._, I, dist. XXVII).]
En jugeant Abelard, il faut toujours craindre de le trop isoler. Si l'on
ne considere que ses opinions, sans en connaitre les antecedents donnes
par l'histoire de la theologie, on risque de lui preter une originalite
ou une temerite qu'il n'a pas. Ce n'est pas lui qui a commence a mettre
le dogme de la Trinite aux prises en quelque sorte avec les distinctions
logiques, enseignees au livre des Categories. Ces distinctions
etaient trop familieres a la plupart des Peres, elles avaient trop
universellement passe dans la langue du raisonnement, pour qu'ils
fussent dispenses de rechercher dans quelle mesure elles etaient
compatibles avec les termes de la foi. Dieu est une substance: a-t-il
les attributs scientifiques de la substance? Il est une essence: quelle
sorte d'essence est-il? Comme essence et comme substance, il est un
sujet: peut-on dire de ce sujet tout ce qu'Aristote dit du sujet en
general? En d'autres termes, la distinction de la matiere et de la
forme, de l'essence et de la qualite, de la substance et de l'a
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