e priorite d'essence non plus que
de dignite n'est possible entre les personnes divines. Le Pere n'est
point d'un autre ni par un autre, tandis que le Fils est du Pere et
par le Pere; mais cette difference ne constitue aucune superiorite. La
generation ne constitue aucune priorite, parce qu'elle ne suppose aucune
succession. Dieu, en engendrant le Fils, ne s'engendre pas lui-meme et
n'engendre pas un autre Dieu que lui; mais c'est un acte de generation
eternelle: le Fils est engendre toujours (_gignitur_), et toujours il
est engendre (_genitus est_); les relations des personnes de la Trinite
sont coeternelles[297]. Resterait a examiner ce que c'est qu'etre d'un
autre, par un autre, _esse ab alio_, si cela ne veut pas dire avoir
un autre pour cause, principe ou matiere, ou tout au moins si cela
n'exprime pas la generation d'une substance detachee d'une autre
substance; mais c'est la precisement ce qu'Abelard ne discute pas. Il
affirme, et c'est tout. Il pose les expressions recues, consacrees, et
s'abstient de les definir a fond. Ce parti pouvait etre le plus sage,
mais bien plus sage encore il eut ete de dire sans commentaire et comme
axiome, non de la raison, mais de la foi: "Jesus-Christ est le fils de
Dieu et il est Dieu."
[Note 296: Tout ceci est d'une orthodoxie plus rigoureuse que l'Eglise
meme ne l'exige. Plus d'un Pere a, sans encourir aucune censure, employe
des expressions qu'Abelard s'interdit, et il cite ici meme, en les
desapprouvant, des paroles de saint Augustin qui conduiraient aisement a
l'heresie, par exemple que le pere est _la cause_ de sa sagesse, qu'il
est _le principe_ de la divinite, etc. (_Th. Chr._, t. IV, p. 1321.)]
[Note 297: _Th. Chr._, l, IV, p. 1324-1326. Ce point a ete conteste.
L'auteur d'une dissertation contre Abelard (_Anonymus Abbas_) trouve
contraire a la dignite du Fils de dire qu'il soit toujours actuellement
engendre, _semper gigni_. Il faut dire qu'il est toujours _un engendre,
semper genitum esse_. (_Disput adv. Ab. dogm._, t. III, _in Bibl.
Cisterc_. t. IV, p. 251.)]
Abelard ne s'en est pas tenu la; l'Eglise ne s'en tient pas la.
Elle analyse les termes, et elle explique ce qu'elle declare
incomprehensible. Le philosophe etait donc autorise a s'efforcer de
_rapprocher de plus en plus la raison humaine de l'intelligence_ des
mysteres. C'est pourquoi il n'a rien neglige pour etablir methodiquement
la foi touchant la Trinite, "cette foi qui lui parait ne manquer a
personne.
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