turelle, principe qui conduit a cette autre proposition: "On ne croit
point parce que Dieu a dit, mais parce qu'on est convaincu qu'il en est
ainsi, on admet[355]." "Voila," dit le critique, "un principe qui doit
mener loin." Il trouve _naturelles_ les consequences que saint Bernard
infere de la definition de la foi donnee par Abelard. "Cependant loin de
les avoir constamment admises, on voit que l'auteur les a quelquefois
combattues, meme avec succes; mais ce qu'il ne pouvait desavouer en
aucun cas sans saper par le pied sa nouvelle methode, c'est que la foi
n'est pas absolument au-dessus de la raison." Enfin les explications et
les comparaisons qu'il donne touchant la Trinite laissent percer tantot
le sabellianisme, tantot l'arianisme. "Nous aimons a nous persuader, et
ce n'est pas au reste sans preuves, qu'il est exempt dans le fond de
l'une et de l'autre de ces erreurs." Mais il n'en a pas moins _brouille
reellement toutes les notions theologiques sur la Trinite_.
[Note 355: Art. _Abelard_ dans _l'Hist litt/i> t. XII, p.
138.--_Introd_., t. II, p. 1060.]
On le voit, le reproche d'heresie n'est plus profere, il est meme
formellement ecarte[356]; plus de ces mots d'_impiete_, de _blaspheme_,
de _paganisme_, et de la cette consequence qu'on n'etait en droit a
Sens, comme a Soissons, que de signaler les erreurs du livre et non de
condamner personnellement un docteur qui n'a pas un seul moment cesse de
protester de sa soumission a l'Eglise et au saint-siege.
[Note 356: C'est maintenant une chose generalement accordee. J'en ai
cite plusieurs preuves (Voy. t. I, p. 218). Il serait trop long de
rappeler tous les ouvrages ou les opinions theologiques d'Abelard sont
appreciees (Voy. t. I, p. xxii).]
A ces critiques ainsi reduites, M. Cousin, fortifiant de son autorite
celle d'Othon de Frisingen, ajoute une observation qui penetre plus
avant. Il pense qu'Abelard, en introduisant le rationalisme dans la
theologie, y a introduit aussi le nominalisme, chose grave, surtout
quand il s'agit de la question de la Trinite. Quelques reflexions seront
ici necessaires.
On l'a deja vu, il y a deux manieres de traiter la theologie,
c'est-a-dire d'enseigner la religion, celle du rationalisme et celle que
les Allemands appellent du super-naturalisme. Toujours la premiere
court le risque d'incliner a l'heterodoxie, a l'heresie, et de
passer insensiblement du rationalisme theologique au rationalisme
philosophique. La seconde offre une
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