heol. Chr._, I. IV, p. 1329.]
Evidemment Abelard evite de repeter que le Saint-Esprit ne soit pas de
la substance du Pere (_eco substantia_), mais il l'insinue, et c'est
creer une difficulte nouvelle dans la Trinite que d'y inserer une
distinction et une contradiction de plus. Cette subtilite etait
gratuite, et elle a ete rejetee avec juste raison; il fallait se borner
a dire: les trois personnes sont consubstantielles, cependant il ne
parait pas que la troisieme le soit de la meme maniere que la seconde,
puisque l'une est consubstantielle par generation et l'autre par
procession. On pouvait ajouter: la communaute de substance doit se
realiser d'une maniere differente pour chacune des trois personnes.
Quand meme on ecarterait les mots de _generation_ et de _procession_,
celui de qui est le Fils ne peut, quant au mode, etre identiquement
consubstantiel a celui qui est de lui, comme celui qui est du premier
est consubstantiel a celui de qui il est; et ainsi de chaque personne
comparee aux deux autres. Je repete que je parle du mode; la
consubstantialite subsiste, les trois personnes ont une seule et meme
substance, mais elles ne l'ont pas absolument de meme. Quelle est donc
la difference? Elle est impenetrable; elle existe pourtant, la theologie
le veut, puisqu'elle distingue la generation et la procession; mais
cette difference qu'elle affirme, elle ne l'explique pas. Le tort
d'Abelard est d'avoir voulu l'expliquer, et le peril est venu de
la seduction qu'exercaient sur son esprit la distinction des trois
attributs, puissance, sagesse, bonte, et la pensee d'identifier cette
distinction avec les deux autres, celle de Pere, Fils, Esprit, et celle
d'inengendre, engendre, procedant, au point que ces trois _triplicites_
ne fussent plus que des expressions differentes, substituables les unes
aux autres, comme des notations diverses de memes quantites algebriques.
Or, il est tres-permis de dira en general que la sagesse est puissance
et que la bonte n'est pas puissance[326]; mais cette abstraction prise
a la lettre menerait logiquement a penser que le Fils est substance
du Pere et que le Saint-Esprit n'est pas substance du Pere. La foi
d'Abelard l'a defendu de cette proposition profondement heretique, elle
ne l'a pas preserve du peril d'en approcher, et il ne s'est sauve que
par des inconsequences peut-etre inevitables, quand on traite d'un dogme
que la metaphysique de l'Eglise s'est plu a rendre contradictoire dans
les termes
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