la science. Aristote l'a introduite et
definie. Elle s'applique aux choses qui proviennent d'une autre, qui en
sont faites, qui en font partie, et cette relation a en logique un
sens determine[345]. Or, ce sens n'est pas compatible avec l'attribut
essentiel, eminent, de la Divinite. L'Etre necessaire est necessairement
par lui-meme; et a parler rigoureusement, refuser a une personne divine
la propriete d'etre par soi-meme, ce serait lui denier la Divinite; il
y aurait atheisme. Les Peres l'ont senti, lorsqu'ils hesitent et se
contredisent, plutot que d'attribuer sans restriction le titre de
principe au Pere a l'exclusion du Fils. Saint Augustin, enoncant cette
proposition: "Le Pere est le principe de toute la Divinite," proposition
repetee par Abelard et presque aussitot par lui restreinte, risque de se
trouver en contradiction avec le verset sacre: "Dans le principe etait
le Verbe" (Jean, I, 1). Il y a sur ce point un _sic et non_ perpetuel
dans les theologiens, et le notre a bien fait d'ecarter, autant que
possible, des personnes divines les qualifications de principe, cause,
source, origine, qui ne font qu'ajouter des contradictions a des
mysteres[346]. Je crains bien les memes dangers pour cette distinction
entre _etre_ et _n'etre pas par soi-meme_, et j'aimerais mieux les
termes mystiques de l'Evangile que ces abstractions qui soulevent des
nuages au lieu d'apporter la lumiere. Saint Bernard ne s'en preoccupe
guere; la distinction ne l'arrete que parce qu'Abelard en conclut que
Dieu le Pere, qui a l'existence par lui-meme, doit avoir la puissance a
pareil titre, et en effet il doit avoir les modes de l'existence comme
il a l'existence meme. Mais tout cela est secondaire, a mes yeux, aupres
de cette assertion que le Pere a seul la propriete d'etre par lui-meme.
Ce n'est pas moins que l'assertion qu'il a seul la propriete d'etre
Dieu. Ni Abelard, ni saint Bernard, ne sont les seuls ou les premiers
qui aient parle ainsi; et il faut convenir que des que vous accordez la
paternite, la generation, la procession, vous reconnaissez implicitement
qu'il est possible d'etre Dieu et ne pas etre rigoureusement par
soi-meme[347]. Mais la difference de l'implicite a l'explicite n'est pas
frivole, quand il s'agit des mysteres: c'est souvent la difference de
l'inexplicable a l'absurde, de l'enigme au non-sens. Je puis confesser
que Dieu est pere ou fils, pourvu que j'ajoute aussitot que je ne sais
pas comment il est pere ou fils, qu
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