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[Note 326: Encore Richard de Saint-Victor a-t-il objecte que ta bonte
n'est qu'une bonne volonte, et que la volonte bonne est une puissance,
"posse bene velle est aliquid posse." (_De trin_., I. V, c. xv.)]
Mais ni la prudence ni la raison ne permettent, parce qu'un dogme est
obscur et incomprehensible, d'y ajouter de nouvelles difficultes, ou
meme, par des nouveautes d'expression, de diversifier la forme de ses
difficultes necessaires. C'est la faute ou Abelard est tombe. Trop
prevenu en faveur de cette distinction de la puissance, de la sagesse et
de la charite, au lieu de ne lui attribuer qu'une verite approximative,
il en a fait l'expression exacte de la distinction des personnes. Il n'a
plus dit: "De meme que le Fils est engendre du Pere, la sagesse est
de la puissance;" il n'a plus dit: "Comme le Saint-Esprit n'est pas
engendre du Pere, on peut remarquer que la bonte n'est pas de la
puissance, quoiqu'elle la suppose et en procede, ainsi qu'on le dit
du Saint-Esprit." Ces analogies, ces rapprochements, encore qu'un peu
metaphoriques, pouvaient passer. Mais il a renverse l'ordre de la
comparaison, et il a dit: "Le Fils est engendre, _parce que la sagesse
est de la puissance; le Saint-Esprit n'est pas engendre, parce que
la bonte n'est pas de la puissance._ D'une similitude il a fait un
principe, lui qui s'eleve ailleurs contre toute similitude quelle
qu'elle soit."
Mais est-elle moins attaquable et plus digne, la similitude que prefere
saint Bernard, quand il dit que le Saint-Esprit peut bien etre de la
substance du Pere, sans etre le fils du Pere, comme le ver est de la
substance du bois? Est-ce la une notion vraie et chretienne de la
procession du Saint-Esprit? La consubstantialite, sans parler de la
convenance, n'est-elle pas aussi profondement attaquee par cette
comparaison que par aucune de celles d'Abelard? Et si l'on tournait
contre le juge son argumentation contre l'accuse, si l'on prenait ses
comparaisons pour des definitions, ne montrerait-on pas a saint Bernard
que son raisonnement conserve bien dans les termes la consubstantialite,
mais ne tient aucun compte de la difference de l'engendre a
l'inengendre, de la generation a la procession, et attenue, s'il
ne l'efface, au profit de l'unite de substance, la distinction des
personnes? De cette derniere, le saint en veut _sobrement_; c'est son
expression.
Surement il faut l'excuser par l'impuissance du langage humain a rendre
ce qui excede la raiso
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