la societe chretienne;
mais suivant que l'un ou l'autre domine, il caracterise les temps, les
sectes, les hommes. On distingue toujours deux ecoles et au besoin deux
partis. A quelque age que vous preniez la theologie, dans quelques
limites qu'elle se renferme, vous la trouverez toujours divisee ou
prete a l'etre. Vous entendrez soutenir ici que la foi, superieure a la
raison, accepte a peine son secours et ne peut qu'etre compromise par
son alliance; la, qu'elle n'a rien a redouter de la raison, parce
qu'elle la satisfait, et doit s'appuyer sur celle qui la justifie.
L'autorite spirituelle en general, l'Eglise gouvernante penchera vers
la foi par l'autorite; la pensee isolee du docteur, la meditation de
l'ecole inclinera vers la foi par l'examen. Sans pretendre que l'une
soit toujours entrainee a un superstitieux absolutisme, sans accorder
que l'autre se laisse toujours aller a la revolte et a la licence, je
crois vrai que de chaque cote s'elevent ces funestes ecueils ou si
souvent l'orgueil humain fit echouer la verite; et il faut bien convenir
que l'Eglise, prenant quelquefois l'ecueil pour le port, ne s'est pas
toujours, pour sauver la foi, abstenue de la tyrannie.
Saint Bernard et Abelard representent les deux esprits au XII siecle.
Mais ni l'un ni l'autre n'a pousse son principe aux dernieres
consequences. Saint Bernard, qui avait peut-etre la tyrannie dans l'ame
comme toutes les natures faites pour commander, ne se porta point
aux extremes rigueurs du pouvoir absolu, et, tout en condamnant le
philosophe, il voulut raisonner, sinon avec lui, du moins contre lui.
Abelard, quoiqu'il fut de nature opposante, et qu'un des merites de
son esprit fut l'independance, glissa moins encore sur la point de la
revolte que son adversaire sur celle du despotisme. Fidele sujet de
l'Eglise, il allia les temerites de l'intelligence avec la volonte
sincere de rester dans l'unite.
La raison peut penetrer dans la theologie, soit pour exposer le dogme,
soit pour en etablir la verite. De la deux nationalismes, l'un plus
reserve, l'autre plus radical. Le premier se borne a faire voir comment
il faut comprendre les dogmes; le second aspire a montrer pourquoi il
faut les croire, et celui-ci risque plus de s'ecarter de la foi que
celui-la. Ce n'est pas que l'un ne se lie a l'autre. Demontrer la foi
due aux dogmes, ne va guere sans dire a quels dogmes; expliquer
comment ils doivent etre compris, c'est les supposer ou les prouver
compreh
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