eux esprits,
l'esprit de foi et l'esprit d'examen; il ne saurait croire sans un peu
comprendre, sans comprendre ou ce qu'il croit, ou pourquoi il croit,
ou pourquoi il veut croire. Le chretien est homme, et a mesure que son
intelligence est plus developpee, il eprouve plus vivement le besoin
de mettre sa croyance, si ce n'est en harmonie parfaite avec les
conceptions de l'intelligence, du moins au niveau de ce qu'elles ont de
plus eleve. Il ne veut pas que les Pythagore et les Platon paraissent,
a un degre quelconque, en savoir plus que les sages inspires du
Saint-Esprit; ni que la doctrine qui illuminait un saint Paul ou un
saint Jean, soit pour la purete, la hauteur, l'ordre, la clarte meme de
l'expression, inferieure aux doctrines des ecoles profanes. Il tend
donc a faire de la religion une science, et cette tendance du chretien
eclaire a ete de bonne heure celle de la societe chretienne. Entre
la foi et la philosophie, l'Eglise a place quelque chose qui n'est
absolument ni l'une ni l'autre, qui participe de toutes les deux, et
qu'on appelle theologie. La theologie est par sa nature une chose
rationnelle, encore qu'elle ne soit pas exclusivement rationnelle;
en elle viennent se rencontrer et se developper les deux esprits qui
subsistent dans l'homme et dans l'Eglise; toute theologie est une
certaine alliance de la raison et de la foi.
Dans les rares instants ou l'Eglise est paisible et ne se croit point
d'ennemis, elle nourrit dans son sein les deux esprits dont, a d'autres
moments, elle signale les combats et veut proclamer l'incompatibilite.
Suivant les temps, les ecoles, les questions, ces deux esprits se font
ou se refusent des concessions pacifiantes. Les termes auxquels ils
transigent ne demeurent point invariables. Des que la guerre se declare,
des que les positions longtemps respectees sont entamees ou paraissent
menacees par le raisonnement, le sein de la theologie se dechire. ta foi
se defend en reduisant autant qu'elle peut la part laissee a la raison;
la raison avance en tachant de s'agrandir sur le terrain qu'elle concede
a la foi, jusqu'a ce qu'enfin, poussees aux dernieres hostilites, l'une
et l'autre prononcent ce mot insense: Tout ou rien. Pretention vaine,
impuissante ambition qu'engendre la chaleur du combat, et qui, pour
reussir, aurait d'abord a changer l'humanite. A la guerre succede
l'armistice; jamais cependant la victoire n'est complete ni la paix
profonde; toujours deux esprits vivent dans,
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