tachement
scrupuleux a la tradition, nous parait irreprochable, au moins tant
qu'il reste dans les termes generaux. Dans ces termes, nous croyons a
l'entiere innocence d'Abelard. Il s'est bien propose d'enseigner, ou
plutot de _defendre_ la foi par la raison, mais, sans cesse il l'a
declare, la foi des apotres, non une foi nouvelle; voulant expliquer
le dogme plutot que le prouver, le rendre intelligible plutot que
demonstratif; jaloux seulement de satisfaire les esprits exigeants qui
tiennent a se rendre compte de ce qu'ils croient, et de confondre les
raisonneurs infideles qui rejettent tout ce qui ne se discute pas. Il
parle avec soumission de l'autorite, avec respect de l'Eglise, avec
modestie de son entreprise, avec defiance de ses lumieres[302].
[Note 302: _Introd. prol._, p. 874, t. II, p. 1065, 1070. _Theol. Chr._,
l. III, p. 1256 et seq., t. IV, p. 1316, 1344.]
Mais sortez des termes generaux, et peut-etre concevrez-vous mieux
les scrupules et les alarmes de ses adversaires. D'abord, si les
consequences auxquelles l'a conduit sa methode etaient fausses ou
dangereuses, sa methode serait suspecte; il faudrait au moins se defier
de l'esprit dans lequel il l'emploie. Aussi saint Bernard, passant
immediatement a l'examen des opinions produites, s'attache-t-il a
condamner la science par ses oeuvres. Mais avant d'averer jusqu'a quel
point les oeuvres d'Abelard deposent contre sa foi, il faut savoir si
chez lui domine le principe de l'autorite ou le principe de l'examen;
car de la depend l'esprit d'un livre. Les etudes anterieures d'un
ecrivain, ses ouvrages publies, le tour de ses idees, le genre de sa
renommee, tout determine sa tendance et classe son oeuvre. Reconnaissons
que toutes ces circonstances se reunissaient pour denoncer Abelard, en
quelque sorte, des qu'il s'avisait de theologie. Chretien de coeur,
orthodoxe d'intention, il etait rationaliste par la nature et les
antecedents de son genie; il n'avait touche a rien sans innover en
quelque chose; il s'etait constamment targue de penser sans maitre, ou
meme de faire changer de maitre a l'esprit humain, pretention de mauvais
augure et de funeste consequence.
Le rationalisme chretien n'est pas formellement defendu ni condamnable
de plein droit. Certaines ecoles theologiques le redoutent et le fuient;
pour toutes, il est sur une pente perilleuse, et l'on ne citera pas, je
crois, d'acte solennel qui l'ait prescrit ou recommande; mais il est
permis, et d'impo
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