objection: Que sert de dire une verite qu'on ne peut
expliquer? et voici la reponse: Lorsqu'on entend, touchant Dieu, quelque
chose que l'on ne comprend pas, l'auditeur est excite a l'inquisition;
"l'inquisition enfante l'intelligence, si la devotion l'accompagne." Aux
uns a ete donnee la grace de dire, aux autres celle de comprendre. En
attendant, et tant que la raison ne se devoile pas, l'autorite doit
suffire. "Il faut s'en tenir a la maxime connue: ce qui est admis par
tous, par le plus grand nombre, ou par les doctes, ne doit pas etre
contredit. Il est donc salutaire de croire ce qu'on ne peut expliquer,
d'autant que ce que l'infirmite humaine peut demontrer n'est pas
grand'chose, et qu'il ne faut point appeler foi l'adhesion que nous
arrache l'evidence rationnelle. Nul merite aupres de Dieu, quand on ne
croit pas a Dieu, mais a de petits arguments qui trompent souvent, et
qui peuvent a peine etre saisis, meme quand ils sont raisonnables[288]."
[Note 288: _Id., ibid._, p. 1255.---Ce passage est en contradiction avec
ce qu'il a dit dans l'Introduction, t. II, p. 1054 et 1058. Voyez au
precedent chapitre, p. 201 et 205.]
La derniere objection des dialecticiens, c'est qu'il faut repousser
une foi qui ne peut etre defendue, faute de raisons evidentes pour la
soutenir. Mais nous leur demanderons ce qu'ils pensent de leurs maitres
qui ont enseigne cette foi. "Nous tenons du seul Boece tout que nous
savons de l'art de l'argumentation en usage aujourd'hui, et c'est de lui
que nous avons appris tout ce qui fait la force du raisonnement. Nous
savons que c'est encore lui qui a disserte sur le dogme de la Trinite,
exactement et philosophiquement, en se conformant a la classification
des dix categories[289]. Accuseront-ils le maitre meme de la raison, et
diront-ils qu'il s'est egare dans l'argumentation, celui de qui ils
font gloire de l'avoir apprise? Quoi? le maitre n'aura pas apercu ce
qu'apercoivent ses disciples! il n'aura pas vu par quelles raisons on
peut infirmer ce qu'il soutenait! Je pardonne a leur impudence; qu'ils
nous enlevent ce qu'ils voudront, ceux qui ne savent point epargner
leurs maitres, pourvu qu'ils ne troublent pas la foi des simples, et que
par les lacs des sophismes ou deja ils sont eux-memes enveloppes, ils
n'entrainent pas les autres dans la fosse ou ils sont tombes. Pour
eviter un tel danger, il ne reste qu'a demander a Dieu un remede contre
la contagion; qu'il brise les machines de guerre de ceux
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