levees de tout temps contre le dogme par les adversaires du
christianisme. Quinze de ces objections attaquent la Trinite au nom de
l'unite; huit, la Trinite admise, sont dirigees contre l'unite; toutes
reviennent a cette argumentation: La Trinite est nominale ou reelle.
Nominale, elle n'est qu'une notion arbitraire; autant de noms peuvent
etre donnes a la divinite, autant elle devrait compter de personnes, et
il est etrange que des noms, accidents passagers des langues humaines,
constituent des choses eternelles. Reelle, la Trinite est la triplicite
de substance, car l'unite de substance est la condition de toute
realite: trois personnes reelles ne peuvent etre consubstantielles. Que
devient alors l'unite de Dieu? Trois personnes sont trois choses; dire
qu'elles sont semblables, c'est dire qu'elles different en quelque
chose, et si elles different, l'unite numerique de l'essence est
impossible. La question qu'Abelard resume ainsi, Gregoire de Nazianze la
posait dans ces vers:
[Grec:
Pos e triazet, e trias palin
Enizet:
(XI, de Vit. sua.)]
Abelard a raison de dire que toute la difficulte scientifique de ces
objections est celle de concevoir la diversite des personnes, sans leur
assigner aucun des modes de difference admis par les philosophes; mais
il ajoute aussitot que la nature singuliere de la divinite doit bien
exiger un langage singulier. Platon n'ose dire ce que c'est que Dieu, la
sagesse incarnee seule l'a dit: "Dieu est esprit." (Jean, IV, 24.) Mais
c'est un esprit aupres duquel tout autre est corporel et grossier. Nos
docteurs, "qui ramenent tout a la logique," n'ont pas meme ose mettre
Dieu au nombre des choses, a peu pres par le meme scrupule qui decidait
Platon a inserer entre nulle substance et quelque substance, entre le
neant et les realites actuelles, son _Hyle_, cet etre informe, matiere
universelle qui n'est aucun etre et d'ou tous les dires sont pris,
_materia, mater rerum_. Aux difficultes de la science humaine, il y a
donc une premiere reponse generale dans cette parole de saint Jean: "Ce
qui est de la terre parle de la terre." (III, 34.) Souvenez-vous que,
comme votre science, votre langage est terrestre. Les maitres n'osent
faire de Dieu ni une substance ni aucune chose; essayez donc, apres
cela, de concilier la divinite et vos dix categories, ou plutot
distinguez profondement l'incree du cree, et tachez d'avoir deux
langages.
N'imitez pas cependant ces heretiques d'hier, theologien
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