Abelard s'interrompt pour justifier avec tant de soin
l'emploi des autorites profanes et du raisonnement philosophique, il y
est amene par des attaques recentes, et repond a des objections, a des
critiques qui semblent etre survenues depuis le premier livre, ou plutot
depuis les lecons dont le premier livre ne serait que le resume ou le
canevas. Qui sait si nous n'avons pas dans l'Introduction une redaction
d'un cours de theologie d'Abelard, l'oeuvre d'un de ses eleves
peut-etre? L'inegalite du style, les redites, les desordres, et
quelquefois aussi les absurdites et les ellipses, les arguments tantot
developpes avec prolixite, tantot ecourtes brusquement, les citations
parfois indiquees ou tronquees, et qui souvent encombrent le texte,
seraient autant de circonstances favorables a cette conjecture, quoique
assurement les morceaux importants soient de la main du maitre, tels
que le prologue, le debut de l'ouvrage, celui du second livre, et les
principaux articles du troisieme. Quant au fond des idees, au choix des
arguments, des autorites et des exemples, tout est bien de lui, et nous
venons en verite de l'entendre et d'assister a ses lecons. Tel on le
retrouve dans ses autres ecrits; les analogies y sont frappantes; il
aime a se repeter.
[Note 270: _Summ. Theol_., pars 1, quaest. I-XLIV. C'est aussi l'ordre
suivi par le P. Petau dans ses _Dogmes Theologiques_.]
CHAPITRE III.
SUITE DE LA THEODICEE.--_Theologia Christiana_.
L'Introduction a la Theologie est ecrite avec la liberte hardie d'un
homme habitue a voir les intelligences plier devant lui et qui ignore
encore les dangers de l'inimitie des pouvoirs intolerants. L'ouvrage
etait fait pour exciter la severite soupconneuse de l'orthodoxie, et
l'existence meme de la Theologie chretienne[271] prouve qu'Abelard eut
a defendre l'Introduction, car le second ouvrage repete et adoucit le
premier; il en contient de longs fragments litteralement reproduits,
mais autrement divises et ranges dans un nouvel ordre. Le style est plus
soigne, la latinite meilleure, la composition plus methodique et moins
aride. L'auteur semble avoir autant a coeur d'eviter que de repousser
les attaques de ses adversaires, et de desarmer la critique que
d'etablir ses idees. Une analyse complete deviendrait fastidieuse, mais
il faut cependant connaitre l'ouvrage; il suffira d'analyser quelques
passages importants qui modifient ou confirment les propositions les
plus contestees de l'Introd
|