mettait
pas les questions de la redemption, de la grace, du peche, de la
justification, c'est-a-dire tout ce qu'il a traite dans son Commentaire
sur l'Epitre aux Romains et dans sa Morale.
[Note 265: Arist., _de anim._, III, 3.--Abelard cite ici, p. 99, la
definition de la justice selon Justinien: _Justitia est constans_, etc.,
faut-il en conclure qu'il Connaissait les Institutes, ou bien qu'il
avait rencontre cette citation?]
[Note 266: _Epit._, c. XXXII-XXXVII, p. 95-114.]
Qu'y avait-il de parfaitement original dans ses doctrines theologiques?
Telle est la question qui se presente a l'esprit et que nous ne
saurions, il faut l'avouer, resoudre avec une entiere certitude. Nous
y reviendrons plus d'une fois. Ici bornons-nous a dire que ses
contemporains lui ont particulierement impute sa doctrine de la Trinite.
Plus tard, on a surtout remarque ses idees sur le libre arbitre. Parmi
les preuves de l'attention qu'elles ont obtenue, la moins notable n'est
pas l'allusion souvent citee de l'auteur d'un poeme du XIVe siecle:
Pierre Abaillard en un chapitre
Ou il parle de franc arbitre,
Nous dit ainsi en verite
Que c'est une habilite
D'une voulente raisonnable
Soit de bien ou de mal prenable,
Par grace est a bien faire encline
Et a mal quand elle descline[267].
[Note 267: Duchesne dit que ces vers sont d'un poete anonyme qui vivait
en 1376 (_Ab. Op._, in not., p. 1161).]
Mais si les idees qu'Abelard exprime sur la nature et la realite du
libre arbitre, et sur la possibilite d'en concilier l'existence avec la
prescience divine, sont en general justes, nous ne pouvons en admettre
la parfaite originalite. Ici, comme en tant d'autres occasions, il
reproduit ses maitres, et l'on risquerait de concevoir une opinion
exageree de la fecondite de son genie, si l'on croyait qu'il a trouve
seul la moitie seulement de ce qu'il pense et de ce qu'il enseigne. Par
exemple, le fond de sa doctrine du libre arbitre est en principe dans
Aristote, et deja developpe dans Boece. Seulement Boece, qui, du moins
lorsqu'il commente les philosophes grecs, ne fait nulle part acte de
christianisme, ne defend le libre arbitre que contre la fatalite des
stoiciens, ou contre la providence peu active du Dieu de la sagesse
antique. Abelard a le merite de reprendre a fond ces idees, pour les
adapter aux croyances d'une religion qui place l'humanite dans un
commerce bien plus intime avec la volonte supreme. Tel est en general
son me
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