ain bien est necessairement unique;
Dieu est concu comme parfait, c'est-a-dire qu'il suffit a tout par
lui-meme, ou qu'il est tout-puissant; or, s'il suffit, un autre createur
ou recteur serait superflu. Qu'on ne dise pas que si le bien est bien,
la multiplication du bien est mieux, et qu'ainsi Dieu etant le souverain
bien, il vaut mieux qu'il soit multiple qu'unique; cela conduirait a une
infinite de dieux, infinite qui echapperait alors a la science de Dieu
meme. Il cesserait d'etre le bien supreme, car il y aurait quelque chose
de plus grand que lui: la multitude des dieux serait au-dessus d'un de
ces dieux. La rarete en toute chose ajoute au prix, et il y a plus de
gloire a etre unique. C'est une des conditions de la perfection de Dieu
que sa _singularite_. A ces motifs, il faut ajouter les raisons morales,
ce qu'Abelard appelle les _raisons honnetes_; elles valent mieux que les
_raisons necessaires_, car ce qui est honnete nous plait et nous attire.
La conscience suggere a tous qu'il vaut mieux que tout soit gouverne
par une intelligence que par le hasard. "Quelle sollicitude nous
resterait-il pour les bonnes oeuvres, si nous ne savions qu'il existe,
ce Dieu que nous venerons par la crainte et l'amour? Quelle esperance
refrenerait la malice des puissants ou les pousserait a bien faire, si
la croyance dans le plus juste et le plus puissant de tous les etres
etait vaine?" Accordons que des arguments d'une verite necessaire
nous fissent defaut pour fermer la bouche a l'incredule opiniatre, ne
serions-nous pas en droit de l'accuser d'une odieuse impudence? car il
resterait du moins qu'il ne peut detruire ce qu'il attaque, et qu'il a
contre lui l'honnetete et l'utilite. D'un cote, point de demonstration
rigoureuse, soit, mais de nombreuses raisons; et de l'autre cote, pas
une raison. "Si vous en croyez l'autorite des hommes quand il s'agit de
choses occultes, de ces regions du ciel que vous ne pouvez explorer
par l'experience, si vous vous croyez alors certains de quelque chose,
pourquoi ne pas ceder a la meme autorite, quand il s'agit de Dieu,
l'auteur de tout[239]?"
[Note 239: _Introd._, t. III, p. 1102-1108.]
III. Le Dieu unique est tout-puissant; mais s'il est tout-puissant, d'ou
vient qu'il ne peut pas tout? Nous pouvons des choses qu'il ne peut pas;
nous pouvons marcher, parler, sentir, toutes choses qui ne sont pas dans
la nature de Dieu, puisque sa substance est incorporelle. Mais d'abord
toutes ces choses, q
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