peut, lui, par sa nature, qui n'est pas immutable; l'homme peut
consentir a son salut comme a sa damnation. Mais ne disons pas que Dieu
peut toujours le sauver, parce qu'alors la possibilite serait relative
a la nature de Dieu, et ce serait dire que le salut du pecheur ne lui
repugne pas. Quand vous dites qu'un bruit peut etre entendu, cela ne
veut pas dire que quelqu'un soit la qui pourrait l'entendre. Tous les
hommes seraient sourds, aucun homme n'existerait, que tel bruit
donne pourrait etre entendu; mais il n'en resulte pas qu'un individu
quelconque le put entendre. Et ici ne s'applique pas la regle des
philosophes que si le consequent est impossible, c'est que l'antecedent
l'est aussi[241]. Cela est vrai des choses creees, comme en general
tontes les regles de dialectique. Ce qui est possible est ce qui ne
repugne point a la nature des creatures; mais les memes notions de
possibilite ou d'impossibilite ne s'appliquent point au Createur. Ce
semble la meme chose de dire qu'il est juste que le juge punisse un
individu ou que cet individu soit puni par le juge; mais nullement, la
justice n'est pas la meme dans les deux cas. Il se peut qu'il soit juste
que le juge punisse, c'est-a-dire qu'il le doive d'apres la loi, mais
qu'il ne soit pas juste que l'homme soit puni; si, par exemple, telle ou
telle circonstance, comme serait un faux temoignage, est cause que sa
punition ne soit pas meritee. De meme on peut dire d'un pecheur: il est
possible qu'il soit sauve par Dieu, et il est impossible que Dieu le
sauve.
[Note 241: Voyez ci-dessus, t. II, c. IV, t. I, p. 413.]
Ici, il est vrai, nait une objection contre la Providence, c'est-a-dire
contre la volonte de Dieu a l'egard des creatures: si Dieu n'a pu etre
sans ce qu'il a en soi de toute eternite, les choses qu'il a voulues
sont arrivees necessairement. Distinguons encore les deux possibilites.
Dire que Dieu, par sa propre nature, a necessairement l'attribut
d'une providence universelle, parce que cet attribut lui convient
souverainement, ce n'est pas dire que les choses soient d'une telle
nature qu'elles ne puissent absolument pas ne pas etre. Quant a
l'objection qu'alors aucunes graces ne lui sont dues, puisqu'il agit par
necessite, non par volonte, cette necessite, qui est sa nature ou plutot
sa bonte meme, n'est pas separable de sa volonte; elle n'est point une
contrainte. Son immortalite meme est aussi une necessite de sa nature:
est-elle donc en opposition avec sa
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