n'est pas le vouloir manque le pouvoir."
Dieu etant de nature immutable, immutable est sa volonte; il en resulte
que Dieu ne peut faire que ce qu'il fait. De la quelques difficultes. En
effet un homme qui doit etre damne peut etre sauve. S'il ne le pouvait,
c'est-a-dire s'il ne pouvait faire les choses qui lui vaudraient le
salut, il ne serait plus responsable; Dieu ne lui aurait point prescrit
ce qu'il ne pourrait executer; mais si, grace a ses oeuvres, il peut
etre sauve, force est de reconnaitre que Dieu peut sauver celui qui
pourtant ne doit jamais etre sauve.
"Pensez-vous," disait Notre-Seigneur a ses apotres, "que je ne puisse
pas prier mon Pere, et qu'il ne m'enverrait pas aussitot douze legions
d'anges[240]?" Cette parole signifie que Dieu le pourrait s'il le
voulait, mais il ne l'aurait voulu, et le Christ ne l'aurait demande que
si c'eut ete juste et raisonnable. Ne concluez donc pas que Dieu puisse
faire ce qu'il ne fait jamais; ce qu'il ne fait jamais est chose qu'il
ne faut pas faire. S'il n'empeche pas le mal, est-ce a dire qu'il
consente au peche? non, c'est qu'il est bon que le mal meme ait lieu;
n'est-il pas necessaire que les _scandales arrivent_? "J'estime donc,
bien que cette opinion ait peu de sectateurs, bien qu'elle s'ecarte
beaucoup de certains passages des saints, et meme un peu de la raison,
que Dieu ne peut faire que ce qu'il convient qu'il fasse, et de ce qu'il
convient qu'il fasse, il n'y a rien qu'il omette de faire; d'ou il
resulte qu'il ne peut faire que ce qu'il fait reellement."
[Note 240: Math. xxvi, 53. Cette citation est usitee dans cette
question. Elle sert de texte a Fenelon pour combattre dans Malebranche
des idees qui rappellent celles d'Abelard. (_Ref. du Syst. du P.
Malebranche_, c. v.) Probablement l'exemple avait deja ete cite par
saint Augustin.]
On oppose que nous, qui lui sommes si inferieurs en puissance, nous
pouvons faire ce que nous ne faisons pas, abandonner ce que nous
faisons. Mais assurement nous vaudrions mieux, si nous ne pouvions faire
que ce que nous devons faire. Pourtant la puissance de mal faire ou de
pecher ne nous a pas ete donnee sans motif; c'etait pour que la gloire
de Dieu parut davantage, la gloire de ne pouvoir pecher; c'etait pour
qu'en fuyant le peche, nous fissions honneur, non a notre nature, mais
a sa grace secourable. Quant au salut toujours possible, avouons qu'en
effet celui qui doit etre damne peut en effet toujours etre sauve. Il
le
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