ls s'etaient dissipes;
qu'alors on courait risque d'etre enveloppe, et de ne pouvoir etre
secouru qu'en affaiblissant l'armee, ou peut-etre meme en y mettant
le desordre. _Voila_, dit le comte, en regardant le grand-maitre de
travers, _voila les actions ordinaires des Templiers; ils ne veulent
point que la guerre finisse, et leur interet marche toujours devant
celui de la religion_. Les remontrances du comte de Salisbery ne furent
pas recues plus agreablement. L'intrepide comte court a bride abattue
vers la ville de Massoure; les Templiers le suivent: les Anglais, soit
emulation, soit jalousie, veulent participer a la victoire. Tout cede a
leur impetuosite. Les barbares, fuyant de tous cotes, se sauvent dans
la ville avec tant de precipitation, qu'ils oublient d'en fermer les
portes: les vainqueurs y entrent apres eux, trouvent les rues desertes,
penetrent jusqu'au palais du sultan, et poursuivent les fuyards jusque
dans la campagne qui conduit au Grand-Caire.
Si le comte d'Artois et les Templiers s'etaient contentes de la prise de
cette ville, et si, agissant de concert et avec ordre, ils s'en fussent
assures, eussent fait reprendre haleine a leurs soldats, et attendu le
roi avec le reste de l'armee, leur desobeissance aux ordres du prince
eut ete au moins reparee par un heureux succes.
Mais ce que le grand-maitre du Temple avait predit au comte d'Artois ne
manqua pas d'arriver. Les infideles s'etant rallies en divers endroits,
vinrent fondre sur lui. Il etait peu accompagne; une partie de ses gens
s'etait arretee dans la ville pour piller. Bondocdar, un des chefs des
Mamelucks, ayant charge avec beaucoup de vigueur le comte d'Artois, le
forca de rentrer dans Massoure, et l'y poursuivit. Le comte se jeta dans
une maison, ou il fut investi. Les habitans, et les soldats ennemis
qui s'etaient caches dans la premiere deroute, se voyant secourus,
reprennent courage, et des fenetres des maisons ou ils s'etaient
barricades, ils lancaient des javelots, des fleches, des pierres, du
feu gregeois, de l'eau bouillante, et tout ce qui leur venait sous les
mains. L'infortune comte d'Artois, desespere de voir tant de braves
gens perir par sa faute, fit des actions de valeur qui auraient merite
d'avoir toute la terre pour temoin. Mais que pouvait-il seul contre
cette multitude d'ennemis? Le comte de Salisbery, Raoul de Coucy, Robert
de Verd, et un grand nombre d'autres braves, venaient d'expirer sur des
monceaux de morts et de mour
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