on se joindrait volontiers
a lui pour venger la mort d'Almoadan. Ce fut en partant pour cette
ambassade, que ce bon religieux eut cette rencontre si merveilleuse,
suivant Joinville, d'une petite vieille femme, tenant d'une main un
vase plein de charbons allumes, et de l'autre une cruche remplie d'eau.
Interrogee sur l'usage qu'elle en pretendait faire, elle repondit: "Que
du feu elle voulait bruler le Paradis, et avec l'eau eteindre l'enfer;
afin, ajouta-t-elle, qu'on ne fasse jamais de bien en ce monde par le
motif de la crainte ou de l'esperance." Nouvel exemple de l'enthousiasme
de ces siecles ignorans! Le Paradis n'est autre chose que Dieu lui-meme
et sa possession; otez cet Etre, vous otez toutes les vertus.
Dans le meme temps le roi envoya en Egypte, en qualite d'ambassadeur,
Jean de Valence, gentilhomme francais, aussi distingue a l'armee par son
courage, que dans le conseil par sa capacite. Cet envoye, apres avoir
represente avec fermete aux emirs les enormes infractions qu'ils avaient
faites au traite de Damiette, leur declara que le roi, son maitre,
serait bientot en etat de les en punir si on ne lui en faisait pas
raison, et si l'on differait l'execution des articles de ce traite. Les
emirs, qui comprirent bien la pensee de l'envoye, lui repondirent qu'ils
etaient resolus de donner au roi toute satisfaction, et le conjurerent
de l'empecher de se liguer avec le soudan de Damas; ajoutant que, s'il
voulait au contraire traiter avec eux et faire diversion sur les terres
de ce soudan, ils lui feraient des conditions aussi avantageuses qu'il
le souhaiterait. Pour mieux marquer la resolution ou ils etaient de
le satisfaire, ils firent tirer sur-le-champ des prisons, deux cents
chevaliers, et un grand nombre de prisonniers, que Jean de Valence
conduisit au roi. Ils firent aussi embarquer avec l'envoye, des
ambassadeurs pour negocier avec le roi une ligue contre le soudan de
Damas. Louis, satisfait de voir deja de si heureux fruits de son sejour
en Palestine, dit aux ambassadeurs qu'il ne pouvait point traiter avec
les emirs, qu'avant toutes choses ils ne lui eussent renvoye les tetes
des chretiens qu'ils avaient exposees sur les murailles du Caire; qu'ils
ne lui eussent aussi remis entre les mains tous les enfans chretiens
qu'ils avaient pris, et auxquels ils avaient fait renoncer Jesus-Christ;
et enfin qu'ils ne le tinssent quitte des deux cent mille besans d'or
qu'il ne leur avait point encore payes. Le meme seigne
|