ite.
Le roi d'Angleterre, apres avoir ete traite magnifiquement au Temple,
le soir de son arrivee, pria le roi de trouver bon qu'il lui donnat le
lendemain a diner au meme lieu. On s'y rendit au retour de la cavalcade
du matin. Tout etait prepare dans la grande salle. Louis, pour faire les
honneurs, voulait placer le roi d'Angleterre entre lui et le jeune roi
de Navarre; mais Henri s'excusa de prendre une place qui ne pouvait etre
mieux et plus convenablement occupee que par le roi de France: _Car_,
ajouta-t-il, _vous etes mon seigneur et le serez toujours_. Le roi fut
contraint de ceder et s'assit, ayant a sa droite le roi d'Angleterre,
et a sa gauche le roi de Navarre. Toutes les portes etaient ouvertes et
sans gardes; mais le respect qu'inspirait la presence des princes suffit
seul pour empecher le desordre et la confusion. Il y avait encore
d'autres tables dans les appartemens, ou les seigneurs des deux cours,
chacun selon sa qualite et son rang, etaient places. Il etait jour
maigre; on ne vit jamais tant de somptuosite et d'abondance.
Le lendemain, le roi donna a souper au roi d'Angleterre dans le Palais,
ou il lui avait fait preparer un bel appartement; et comme Henri voulut,
apres le repas, se retirer au Temple: "Non pas, lui dit le roi en riant;
je suis maitre chez moi, je veux au moins cette nuit vous avoir en ma
puissance."
Le roi d'Angleterre demeura a Paris huit jours, qui se passerent en
fetes et en rejouissances; mais elles n'empecherent pas les deux rois
d'avoir durant ce temps plusieurs entretiens secrets. Si l'on en veut
croire l'historien d'Angleterre, Mathieu Paris, a qui son maitre peut
en avoir parle, Louis temoigna a Henri le desir qu'il avait de lui
restituer la Normandie: _Mais_, ajoutait-il, _mes douze pairs et mon
baronage n'y consentiraient jamais_. La delicatesse de la conscience de
Louis, et la conduite qu'il tint dans la suite, dans quelques traites
avec le roi d'Angleterre, rendent ce fait assez vraisemblable. Le
temoignage de cet auteur contemporain nous apprend au moins deux choses
importantes: la premiere, que des lors le nombre des pairs de France
etait fixe a douze; la seconde, que le roi ne disposait d'aucune partie
considerable de ses etats sans le consentement, non-seulement des pairs
du royaume, mais encore de ses barons, qui etaient les plus grands
seigneurs de l'etat, quoique d'un rang inferieur a celui des pairs.
Le roi d'Angleterre quitta Paris, comble d'honneurs, et s'
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