ant, lorsqu'il
fut assassine par l'emir Bondocdar, autre Mameluck dont il a ete parle
plusieurs fois dans cette histoire[1]. Le meurtrier se presente aux
troupes, l'epee teinte encore du sang d'un maitre qui n'avait fait
d'autre crime que de n'avoir pas voulu violer la treve qu'il venait de
conclure avec les Chretiens. Toute l'armee le proclame soudan. Il se
rendit ensuite au Caire, ou il fut couronne solennellement.
[Note 1: _Assises de Jerusalem_, chap. 284 et suiv.]
Ce fut ainsi que Bondocdar, deux fois meurtrier de ses maitres, passa
de l'esclavage a la souverainete, et sut reunir sur sa tete cinq belles
couronnes; celle d'Egypte, celle de Jerusalem, celle de Damas, celle
d'Alep et celle de l'Arabie. Les historiens arabes le peignent comme un
heros sublime dans ses vues, fecond dans ses projets, d'une activite,
enfin, qui le multipliait, pour ainsi dire, et le reproduisait partout.
Ce fut lui, disent-ils, qui etablit le premier les postes reglees, qui
fit refleurir les sciences en Egypte, qui rendit en quelque sorte
a cette fameuse region la celebrite dont elle jouissait sous les
Ptolemees.
Mais les Chretiens, dont il fut le plus terrible fleau, nous le
presentent sous d'autres couleurs. S'ils le comparent a Cesar pour les
talens guerriers, ils le placent en meme temps a cote des Neron pour la
cruaute. Nouvel Herode, ajoutent-ils, pour n'avoir point de competiteur
au trone, il extermina toute la famille royale du grand Saladin, qui,
en mourant, avait laisse quatorze fils. On compte jusqu'a deux cent
quatre-vingts emirs ou Mamelucks, autrefois ses compagnons, qu'il fit
massacrer sur le simple soupcon qu'ils en voulaient a sa vie. Telle
etait la tyrannie de son gouvernement, qu'on n'osait ni se rendre
visite, ni se parler familierement, ni se donner les plus legeres
marques d'amitie. On le voyait souvent courir seul toute l'Asie sous un
habit etranger, tandis que les courtisans le croyaient en Egypte, et se
tenaient dans une humble posture a la porte de son palais, pour avoir
des nouvelles de sa sante. S'il arrivait qu'il fut decouvert, c'etait
un crime que de temoigner le reconnaitre. Un malheureux l'ayant un jour
rencontre, descendit de cheval, et se prosterna, suivant la coutume,
pour lui rendre son hommage, il le fit pendre comme criminel de
lese-majeste. Un de ses premiers emirs sachant qu'il meditait un
pelerinage au tombeau de Mahomet, vint lui demander la permission de
l'accompagner dans ce saint voyage.
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