il ramassa toutes ses forces pour
lui donner cette belle instruction que tous les auteurs anciens et
modernes ont jugee digne de passer a la posterite la plus reculee. Elle
ne contient que ce qu'il avait toujours pratique lui-meme. On assure,
dit le sire de Joinville, qu'il avait ecrit ces enseignemens de sa
propre main avant qu'il tombat malade: il les avait composes afin de
donner a son successeur un modele de la conduite qu'il devait tenir,
lorsqu'il serait monte sur le trone. Louis fit faire la lecture de ces
instructions en presence du prince son fils et de tous les assistans.
C'est un extrait de ses propres sentimens, et des maximes qu'il avait
suivies toute sa vie, dont voici les principaux articles[1].
[Note 1: Joinville, p. 126. Mesn. p. 308. Nangis, p. 391. Gaufrid. de
Ball. Loc. p. 449.]
"Beau fils, la premiere chose que je te commande a garder, est d'aimer
Dieu de tout ton coeur, et de desirer plutot souffrir toutes manieres
de tourmens, que de pecher mortellement. Si Dieu t'envoye adversite,
souffre-le en bonne grace, et penses que tu l'as bien desservi (merite).
S'il te donne prosperite, n'en sois pas pire par orgueil; car on ne doit
pas guerroyer Dieu de ses dons. Vas souvent a confesse; surtout elis
un confesseur idoine et prud'homme (habile), qui puisse t'enseigner
surement ce que tu dois faire ou eviter; ferme, qui ose te reprendre
de ton mal, et te montrer tes defauts. Ecoutes le service de l'Eglise,
devotement, de coeur et de bouche, sans bourder ni truffer avec autrui
(sans causer ni regarder ca et la). Ecoutes volontiers les sermons en
appert et en prive (en public et en particulier). Aimes tout bien, hais
toute prevarication en quoi que ce soit."
Louis etait lui-meme le modele de ce qu'il prescrivait. Tout devoue a
Dieu des sa plus tendre enfance, il n'oublia jamais l'enseignement de la
reine sa mere: _Qu'il valait mieux mourir mille fois, que d'encourir
la disgrace de l'Etre-Supreme par un peche mortel_. Il regardait
l'adversite comme un chatiment, ou comme une epreuve qui pouvait
apporter un grand profit. Il envisageait la prosperite comme un nouveau
motif de redoubler de ferveur envers l'Auteur de tout bien. Aussi
constant dans les fers en Egypte, que modeste apres la bataille de
Taillebourg, on le voyait, a la tete des armees, avec la contenance d'un
heros, affronter les plus grands perils, et on l'admirait aux pieds des
autels dans la plus grande humilite et le plus grand recueillement.
|