servant souvent a table,
en leur lavant les pieds, en les visitant dans les hopitaux; toutes ces
vertus qui, lorsqu'elles sont accompagnees de certains defauts, attirent
quelquefois du mepris aux grands qui les pratiquent, ne firent jamais de
tort a son autorite, et il est marque expressement dans son histoire,
que, depuis son retour de la Terre-Sainte, on ne vit jamais en France
plus de soumission pour le souverain, et qu'elle continua durant tout le
reste de son regne.
Selon le temoignage du sire de Joinville[1], ce prince etait le plus
sage et la meilleure tete de son conseil. Dans les affaires subites,
il prenait aisement et prudemment son parti. Il s'etait acquis une si
grande reputation de droiture, que les autres princes lui mettaient
souvent leurs interets entre les mains dans les differends qu'ils
avaient ensemble, et souscrivaient a ses decisions. Jamais on ne le
vit s'emporter, ni dire une parole capable de choquer personne. Tout
guerrier qu'il etait, il ne fit jamais la guerre quand il put faire ou
entretenir la paix sans porter un prejudice notable a son royaume. Il ne
tint qu'a lui de profiter des brouilleries de l'Angleterre, pour
enlever a cette couronne tout ce qu'elle possedait en France. Ceux
qui envisageaient les choses dans des vues purement politiques, l'en
blamerent; mais son unique regle etait sa conscience. Il contribua au
contraire de tout son pouvoir a reunir Henri III, roi d'Angleterre, avec
ses sujets; et ce prince avait coutume, pour cette raison, de l'appeler
son pere. Il n'y a qu'a se rappeler toute la suite de son histoire pour
etre persuade qu'il etait non-seulement le prince le plus vaillant de
son temps, mais encore qui entendait le mieux la guerre: car, quoique
ses deux croisades lui aient mal reussi, il est certain que, dans toutes
les actions particulieres qui s'y passerent, il battit toujours ses
ennemis, quoique superieurs en troupes; et il combattit avec le meme
succes, malgre un pareil desavantage, a la bataille de Taillebourg.
Mais, apres tout, entre tant de belles qualites qui rendent ce prince
recommandable, la piete fut dominante. Il en etait redevable, apres
Dieu, a l'education sage et chretienne que lui donna la reine Blanche,
sa mere. Toute la conduite de sa vie fut animee par cet esprit de piete:
une infinite d'hopitaux, d'eglises, de monasteres, furent fondes ou
retablis par ses liberalites. Le detail que Geoffroy de Beaulieu,
religieux dominicain, son confesseur, fa
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