ment,
veiller a ce que chacun trouvat place, et que personne ne fut insulte
par les infideles. Deux jours entiers furent employes a cette
occupation.
La flotte fut partagee en deux parties. La premiere, ou etaient le roi
et la reine de France, le roi de Navarre et son epouse, et le roi de
Sicile, mit a la voile le jeudi dans l'octave de saint Martin, et les
pilotes eurent ordre de faire route vers le royaume de Sicile. Le vent
fut si favorable, qu'apres deux jours de navigation, cette partie de
la flotte entra dans le port de Trapani. L'autre partie, obligee de
demeurer a la rade, faute d'avoir pris, avant son depart, toutes les
provisions necessaires, n'arriva en Sicile qu'apres avoir essuye une
horrible tempete, qui fit perir plusieurs batimens et beaucoup de monde.
Le prince Edouard d'Angleterre laissa partir les croises avec assez
d'indifference; et, persistant dans son premier dessein d'aller en
Palestine, il se rendit a Saint-Jean-d'Acre, suivi de ses Anglais, du
comte de Bretagne son beau-frere, et de quelques seigneurs francais. Le
succes ne repondit point a son attente; il ne fit que de tres-mediocres
exploits.
Rien n'arretait Philippe, roi de France, a Trapani, que sa tendresse
pour Thibaut V, roi de Navarre, son beau-frere, qui s'etait embarque
avec une fievre violente, dont il mourut quinze jours apres son arrivee
en Sicile. Ce prince, aussi bien fait d'esprit que de corps, avait gagne
par ses grandes qualites le coeur de tous les croises. Le roi, son
beau-pere, l'avait toujours tendrement cheri, et, ce qui acheve son
eloge, il l'avait plutot regarde comme son fils que comme son gendre: il
fut generalement regrette. La reine Isabelle, sa femme, fille de saint
Louis, qui l'aimait autant qu'elle en etait aimee, ne lui survecut pas
long-temps. Elle avait fait voeu de passer le reste de ses jours dans
la viduite; quatre mois apres, elle mourut aux iles d'Hieres, dans les
larmes et la priere. Trapani n'etant plus pour Philippe qu'un sejour de
deuil, il se rendit a Palerme, ou le roi de Sicile lui fit une reception
magnifique: de la il prit le chemin de Messine, et passa par la Calabre,
ou il eut une nouvelle affliction plus sensible que toutes les autres.
La reine, sa femme, qui etait enceinte, tomba de cheval en passant a gue
le Savuto, riviere qui coule un peu au-dessus de Martorano. La douleur
de la chute, la fatigue du voyage, peut-etre aussi la frayeur, plus
dangereuse encore dans les circonstances ou el
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