eurent avis, sortirent de leurs retranchemens, et vinrent
presenter la bataille avec des cris epouvantables. On fut oblige d'en
venir aux mains avant que tout fut dispose pour le combat. Quelques
aventuriers ayant a leur tete Hugues et Guy de Beaucey, deux braves
chevaliers, partirent sans attendre l'ordre du comte de Soissons, qui
commandait le corps de troupes dont ils faisaient partie, et allerent
attaquer les escadrons ennemis. Tout plia sous leurs efforts et prit la
fuite. L'ardeur qui les emportait ne leur permit pas de penser a leur
retour: ils s'abandonnerent a la poursuite des fuyards, et lorsqu'ils
furent assez eloignes pour ne pouvoir etre secourus, les Sarrasins se
rallierent, les envelopperent et les taillerent en pieces, apres qu'ils
eurent vendu cherement leurs vies.
Le roi de Sicile arrive sur ces entrefaites, suivi du comte d'Artois,
avec un corps de troupes. Ils attaquent les Sarrasins avec cette
impetuosite si naturelle aux Francais, les renversent et les poussent
avec tant d'ardeur, qu'ils les mettent en fuite. Les uns se retirent
en desordre vers les montagnes, ou les vainqueurs, aveugles par la
poussiere qu'on elevait avec des machines, ne peuvent les poursuivre.
Les autres fuient avec precipitation vers le lac, esperant se sauver
sur un grand nombre de batimens qu'ils y avaient laisses; mais leurs
mariniers, que la peur avait saisis, s'etaient eux-memes sauves a
l'autre bord. Les fuyards furent tous tues ou noyes: on fait monter la
perte des barbares a cinq mille hommes, non compris les prisonniers.
Quelques jours se passerent sans aucune action considerable. Il parait
meme que le roi de Sicile, quoique vainqueur, n'avait pu se rendre
maitre du lac, le seul poste qui put faciliter les approches de Tunis.
Bientot les Sarrasins reparurent en si grand nombre, qu'ils crurent
inspirer de la terreur aux croises; ils se tromperent: le roi, qui se
trouvait en etat de combattre, fit sortir ses troupes du camp, resolu
de livrer bataille. C'etait ce que les Francais souhaitaient le plus
ardemment: pleins de mepris pour des ennemis qui n'avaient jamais ose
tenir devant eux, ils s'avancerent avec cet air fier qu'inspire le
sentiment de la superiorite du courage; mais le dessein des barbares
n'etait que de harceler leurs ennemis, et, s'il se pouvait, de les
epouvanter par leur multitude et par d'horribles hurlemens: ils se
retirerent en bon ordre, et presque sans combat. Comme on ne voulait
rien hasarder,
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