on ne les poursuivit pas. Le roi de Sicile, desespere de
ne pouvoir reussir, imagine un stratageme qu'il communique au jeune roi
de France.
Il part a la tete de sa cavalerie et de ses meilleures troupes, charge
le corps des infideles le plus proche, et prend aussitot la fuite avec
une vitesse qui marque la plus vive frayeur. Les Maures donnerent
imprudemment dans le piege, et tomberent sur le prince sicilien, qui se
battit quelque temps en retraite, jusqu'a ce qu'il les eut amenes dans
un lieu d'ou le reste de l'armee francaise put leur couper leur retour.
Alors Charles tourne bride, et fond sur eux avec beaucoup de courage.
Philippe, en meme temps, attaque vigoureusement ce corps separe, et
l'enferme de toutes parts. Le massacre fut grand; il en demeura trois
mille sur la place; le reste fut pris ou perit malheureusement, les uns
noyes dans les eaux de la mer, ou ils se precipiterent pour echapper a
l'epee des vainqueurs; les autres, dans des fosses profondes, qu'ils
avaient creusees, soit pour trouver des puits, soit pour y faire tomber
les chretiens, dans l'ardeur de la poursuite.
Tous ces combats, quoique favorables aux chretiens, ne decidaient rien.
Il fallait etre maitre du lac pour marcher a Tunis: le dessein fut donc
forme de s'en emparer. On fit faire des galeres plus fortes et plus
legeres que celles que l'on avait: on les remplit d'arbaletriers.
Bientot on remporta de grands avantages sur les infideles, dont
plusieurs vaisseaux furent pris ou coules a fond. Un ingenieur du roi
travaillait en meme temps a la construction d'un chateau de bois qu'on
devait placer sur le bord du golfe, pour ecarter avec des pierres les
barques ennemies. Deja l'ouvrage avancait, lorsque les Sarrasins,
ayant recu de nouveaux secours, quitterent encore une fois leurs
retranchemens, et s'avancerent en ordre de bataille, faisant retentir
l'air de cris affreux, et d'un bruit effroyable de mille instrumens
militaires. L'armee chretienne crut qu'ils voulaient enfin en venir a
une bataille decisive. On laissa le comte d'Alencon, avec les Templiers,
a la garde du camp et des malades: l'oriflamme fut deployee, et les rois
de France, de Sicile et de Navarre, sortirent en armes, chacun a la tete
de ses troupes: ils marchaient avec moins de bruit, mais aussi avec plus
de hardiesse que les Sarrasins. Jamais on n'avait vu de plus belles
dispositions pour le combat; cependant, ce fut plutot une deroute qu'une
bataille. Les barbares, repousses
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