Le choix des amis, objet important pour un prince, occupe aussi une
grande partie de l'attention du saint roi. Il exhorte ce cher fils a
ne donner sa confiance qu'a ceux dont la vertu et le desinteressement
forment le caractere, et a exclure de sa familiarite tout homme capable
ou de medire d'autrui, "derriere ou devant par detraction, ou de
proferer aucune parole qui soit commencement d'emouvoir a peche, ou de
dire aucune vilenie de Dieu, de sa digne mere, de saints ou de saintes;
enfin a bannir de sa presence ces courtisans _pleins de convoitise_,
vils flatteurs, toujours occupes a deguiser la verite, qui doit etre la
principale regle des rois.
"Enquiers-toi d'elle, beau cher fils, sans tourner ni a dextre ni a
senestre: sois toujours pour elle en contre-toi. Ainsi jugeront tes
conseillers plus hardiment selon droiture et selon justice. Veille sur
tes baillifs, prevots et autres juges, et t'informe souvent d'eux, afin
que s'il y a chose a reprendre en eux, tu le fasses. Que ton coeur soit
doux et piteux aux pauvres: fais leur droit comme aux riches. A tes
serviteurs soit loyal, liberal et roide en parole, a ce qu'ils te
craignent et aiment comme leur maitre. Protege, aime, honore toutes gens
d'eglise, et garde bien qu'on ne leur _tollisse_ (enleve) leurs revenus,
dons et aumones, que les anciens et devanciers leur ont laisses.
N'oublie jamais le mot du roi Philippe, mon ayeul, qui, presse de
reprimer les torts et les forfaits, repondit:" _Quand je regarde les
honneurs et les courtoisies que Dieu m'a faites, je pense qu'il vaut
mieux laisser mon droit aller, qu'a sainte Eglise susciter contens_
(proces).
Louis pouvait se donner lui-meme pour exemple; mais le propre de la
modestie est de s'ignorer soi-meme. Toujours en garde contre le vice,
il ne donna sa confiance qu'a la probite, son estime qu'a la vertu, son
coeur qu'a la verite. Les pauvres le regardaient comme leur pere; ses
domestiques le servaient comme un genereux bienfaiteur qui meritait tout
leur attachement.
Philippe etait destine a regner sur les Francais: Louis songeait surtout
a le rendre digne de cette couronne. Il lui recommande d'aimer ses
sujets comme ses enfans, de les proteger comme ses amis, de leur faire
justice comme a ses _fideles_. "Garde-toi, beau cher fils, de trop
grandes convoitises; ne boute pas sur tes peuples trop grandes tailles
ni subsides, si ce n'est par necessite pour ton royaume defendre:
alors meme travaille tot a procure
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