peine commences, que toute la campagne
parut couverte de soldats. Ils semblaient vouloir engager une action
generale; le roi mit ses troupes en bataille, pretes a les bien
recevoir. Mais tout se passa en escarmouches, ou plusieurs infideles
furent tues. On ne perdit du cote des Francais qu'un chevalier, nomme
Jean de Roselieres, et le chatelain de Beaucaire. Les barbares,
epouvantes de la fiere contenance des croises, se retirerent en
desordre. Louis, qui avait promis a son frere de ne rien entreprendre
sans lui, ne les poursuivit pas.
Bientot cependant les chaleurs excessives, l'air meme que l'on
respirait, impregne d'un sable brulant, que les Sarrasins elevaient avec
des machines, et que les vents poussaient sur les chretiens; sable si
fort pulverise, qu'il entrait dans le corps avec la respiration, et
dessechait les poumons; les mauvaises eaux, les vivres plus mauvais
encore, peut-etre aussi le chagrin de se voir comme enfermes,
infecterent le camp de fievres malignes et de dyssenteries: maladies si
violentes, qu'en peu de jours l'armee fut prodigieusement diminuee.
Deja plusieurs grands seigneurs etaient morts. On comptait parmi les
principaux les comtes de Vendome, de la Marche, de Viane, Gauthier de
Nemours, Montmorency, Fiennes, Brissac, Saint-Bricon, Guy d'Apremont, et
Raoul, frere du comte de Soissons. Le prince Philippe, fils du roi, et
le roi de Navarre, frappes du meme mal, eurent le bonheur d'echapper a
la contagion. Mais le comte de Nevers, Jean, dit Tristan, ce fils si
cheri de Louis, et si digne de l'etre par la bonte de son caractere,
par l'innocence de ses moeurs, et par un discernement qui surpassait de
beaucoup son age, fut une des premieres victimes de cette cruelle peste:
le cardinal-legat le suivit de pres. Le saint monarque en fut lui-meme
attaque, et sentit des les premiers jours que l'atteinte etait mortelle.
Jamais il ne parut plus grand que dans ces derniers momens: il n'en
interrompit aucune des fonctions de la royaute. Il donna toujours ses
ordres pour la surete et le soulagement de son armee, avec autant de
presence d'esprit, que s'il eut ete en parfaite sante. Plus attentif
aux maux des autres qu'aux siens propres, il n'epargna rien pour leur
soulagement; mais il succomba, et fut oblige de garder le lit.
Philippe son fils aine, quoique fort abattu par une fievre quarte dont
il etait attaque, etait toujours aupres du roi son pere. Louis l'aimait;
il le regardait comme son successeur:
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