int un de ces
souhaits oisifs d'une speculation sterile; il etait sans cesse occupe
des moyens de faciliter au Sarrasin l'execution d'un dessein si louable.
On le vit une fois, sous pretexte de visiter ses frontieres, faire un
voyage jusqu'a Narbonne, pour traiter de cette affaire avec des envoyes
secrets du roi de Tunis. Il crut donc qu'en faisant une descente dans
les etats du pretendu proselyte, il lui fournirait l'occasion la plus
favorable pour se declarer. S'il se convertissait au christianisme, on
acquerait un beau royaume a l'Eglise; s'il persistait dans l'erreur
qu'il feignait d'abjurer, on attaquait sa capitale, ville peu fortifiee,
ou l'on etablirait une colonie de chretiens. On lui representait
d'ailleurs que cette conquete priverait d'une grande ressource le soudan
d'Egypte, qui tirait de ce pays ce qu'il y avait de mieux en chevaux, en
armes, meme en soldats; que ce serait lui couper la communication avec
les Sarrasins de Maroc et d'Espagne, dont il tirait de grands secours;
que c'etait en un mot le seul moyen de rendre la mer libre aux croises,
tant pour leurs recrues que pour leurs vivres, les plus grands obstacles
qu'ils eussent essuyes jusqu'alors.
Tels furent, au rapport de deux historiens qui racontent ce qu'ils ont
vu, non ce qu'ils ont imagine, les veritables motifs qui determinerent
l'expedition d'Afrique. Il n'est question dans ce recit, ni des
intrigues de Charles d'Anjou qui abusa de la credulite du roi pour
conquerir une couronne, ni de la simplicite de Louis qui fit servir
ses troupes a l'ambition de son frere, comme le rapporte faussement
l'ecrivain que nous avons cite, qui aurait du parler plus
respectueusement du plus grand roi de la monarchie francaise.
La resolution ayant ete prise de porter la guerre en Afrique, on se
preparait a se rembarquer, lorsque le roi de Navarre, le comte de
Poitiers, le comte de Flandre, et un grand nombre de croises, entrerent
dans le port. On tint le lendemain un conseil de guerre, ou le roi
declara sa resolution d'aller a Tunis. On remit aussitot a la voile, et
le troisieme jour on reconnut la terre d'Afrique.
Tunis, situee sur la cote de Barbarie, entre Alger et Tripoli, autrefois
capitale d'un royaume, sous le nom de Tynis ou Tynissa, aujourd'hui
chef-lieu d'une republique de corsaires, sous la protection plutot que
sous la domination du grand-seigneur, etait alors une ville puissante,
assez bien fortifiee, pleine de riches marchands, ou se faisait to
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