evoir mepriser les sollicitations des grands de son etat, content
d'ailleurs de leur soumission, touche de celle d'un homme de la premiere
qualite, qui, apres tout, n'etait convaincu que par une procedure
extraordinaire dans le royaume, il laisse tomber un regard sur lui.
_Enguerrand_, lui dit-il d'un ton de maitre, _si je savois certainement
que Dieu m'ordonnat de vous faire mourir, toute la France et votre
parente ne vous sauveraient pas_. Ces paroles, melees tout a la fois
de clemence et de severite, remirent le calme dans l'assemblee, qui ne
demandait que la vie du coupable. On alla ensuite aux opinions, qui
furent toutes pour un chatiment exemplaire. Coucy fut condamne a fonder
trois chapelles, ou l'on dirait des messes a perpetuite pour les trois
gentilshommes flamands; a donner a l'abbaye de Saint-Nicolas le bois
fatal ou le crime avait ete commis; a perdre dans toutes ses terres le
droit de haute justice et de garenne; a servir pendant trois ans a la
Terre-Sainte avec un certain nombre de chevaliers; et enfin a payer
douze mille cinq cents livres d'amende, que le monarque se fit delivrer
avant de faire mettre le coupable en liberte.
C'etait le zele de la justice et non l'envie d'enrichir son fisc, qui
lui avait dicte cet arret: aussi cet argent fut-il employe a differentes
oeuvres de piete; une partie fut destinee a batir l'eglise des
Cordeliers de Paris, les ecoles et le dortoir des Jacobins. Le reste
servit a fonder l'Hotel-Dieu de Pontoise.
On sentira encore mieux tout l'heroisme de cette action de justice, si
l'on fait attention qu'alors la puissance des rois de France se trouvait
renfermee dans des bornes tres-etroites; mais la vertu a des droits
toujours respectables. Celle de Louis eut plus de pouvoir en cette
rencontre, que l'autorite armee de toute sa puissance. Aussi
l'historien de son regne[1] observe-t-il que toute la France fut saisie
d'etonnement, qu'un homme de si grande naissance, soutenu par tous les
barons du royaume, ses parens ou ses allies, eut a peine obtenu grace
de la vie, au tribunal de ce rigide observateur de l'ordre et des lois.
Tous les grands, ajoute-t-il, ne purent s'empecher de reconnaitre que
la sagesse et l'esprit de Dieu guidaient ce prince dans toutes ses
demarches: la crainte succeda a l'admiration, et augmenta encore le
respect qu'inspirait la saintete de ses moeurs.
[Note 1: Nangis, p. 365.]
Quelques-uns neanmoins eclaterent en murmures. Un chevalier, nomme Jean
de
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