en peages, tant pour la sortie que pour
l'entree des marchandises. On les voyait, a la verite, quelquefois
exiger des decimes sur le clerge; d'autres fois, lever une espece de
taille sur les peuples de leurs domaines; mais Louis, persuade que ce
qui est a charge aux sujets, ne peut etre avantageux au prince, loin de
passer les bornes, fut toujours en garde contre les vexations nuisibles
a l'etat.
Cette sage conduite repeupla la France, que les desordres des regnes
precedens avaient rendue presque deserte. On venait de tous cotes
chercher ce qu'on ne trouvait pas ailleurs, l'aisance, la justice et la
paix. Le commerce reprit une nouvelle vie; rien ne demeurait inutile:
chacun faisait valoir ce qu'il possedait. "Finalement, dit Joinville[1],
le royaume se multiplia tellement pour la bonne droiture qu'on y voyoit
regner, que le domaine, censive, rentes et revenus du roi, croissoient
tous les ans de moitie."
[Note 1: Joinville, p. 124.]
Ce prince, ennemi de toute violence, etait pret a sacrifier ses droits,
lorsqu'il y avait l'ombre de doute. C'est ainsi que, dans un parlement,
on le vit ordonner qu'un banni de Soissons, a qui il avait fait grace,
ne laisserait pas de garder son ban, parce que les habitans de cette
ville lui remontrerent que c'etait donner atteinte a leurs privileges.
On admira la meme moderation lorsque, dans un autre parlement, il fut
decide qu'il ne lui appartenait pas, pendant la vacance du siege de
Bayeux, de conferer les benefices de l'eglise du Saint-Sepulcre de Caen:
aussitot il revoqua la nomination qu'il avait deja faite a une de ces
prebendes. Rare exemple, qui apprend aux rois que l'autorite doit
toujours ceder quand la justice parait!
Mais l'heroisme de cette inflexible droiture eclata surtout dans une
affaire qu'il eut avec l'eveque d'Auxerre. On avait mis, par ses ordres,
sur le pont de cette ville, quelques poteaux ou l'on avait arbore les
fleurs de lis; le prelat les fit arracher de son autorite privee:
c'etait un attentat contre les lois qui defendent de se faire justice
soi-meme. Cependant Louis avait entrepris sur ses droits; cette raison
fut suffisante pour lui faire pardonner ce qu'il y avait d'irregulier
dans le procede de l'eveque. C'est cet amour inviolable de l'ordre,
qui lui merita l'estime, la confiance et le respect de toute l'Europe.
L'Angleterre lui en donna une preuve bien glorieuse, en le choisissant
pour arbitre de ses differens: heureuse si elle s'en fut rapportee
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