indre le roi aupres de Jaffe.
Le soudan de Damas, informe de la conclusion de ce traite, prit des
mesures pour en empecher les suites. Il posta vingt mille hommes sur les
passages qui conduisaient de l'Egypte a Jaffe, afin de les disputer aux
emirs. Ceux-ci n'oserent pas entreprendre de les forcer, et le roi les
attendit en vain devant cette ville. Le comte de Jaffe l'y recut avec
une magnificence a laquelle on ne devait pas s'attendre dans un pays
ruine par les guerres, et par les ravages que les Mahometans y faisaient
depuis tant d'annees. Le roi, pour ne donner aucune defiance au comte,
n'entra point dans la place, campa sous les murailles, et fit faire, de
concert avec lui, de nouvelles fortifications devant le chateau.
Ce fut la que le soudan de Damas fit recommencer les hostilites contre
les chretiens de Palestine; il envoya faire le degat par quelques
troupes, jusqu'a trois lieues pres du camp du roi. Ce prince l'ayant
appris, detacha Joinville avec quelques compagnies pour les aller
chasser. Sitot que les chretiens parurent, les mahometans prirent la
fuite; ils furent poursuivis; et en cette occasion, un jeune gentilhomme
qui n'est pas nomme se conduisit bien courageusement. Apres avoir abattu
deux infideles avec sa lance, voyant le commandant du parti ennemi
venir fondre sur lui, il l'attendit; et, l'ayant blesse d'un grand coup
d'epee, il l'obligea de tourner bride et de prendre la fuite.
Les emirs n'ayant pu passer jusqu'a Jaffe, envoyerent faire leurs
excuses au roi, et le prierent de leur assigner un autre jour pour
l'entrevue.
Le roi le leur marqua; mais les emirs ayant perdu une bataille contre le
soudan de Damas, qui les alla chercher jusqu'en Egypte, ils firent la
paix, et s'unirent avec lui contre le roi.
Parmi les deux cents chevaliers que le sire Jean de Vienne avait ramenes
d'Egypte, il y en avait bien quarante de la cour de Champagne, _tous
deserpilles_ (sans habits) _et mal atournes_, c'est l'expression de
Joinville[1], _qui les fit vetir a ses deniers, de cottes et de surcots
de vair_, et les presenta au roi pour l'engager a les prendre a son
service. Quelqu'un du conseil entreprit de s'y opposer, sous pretexte
_qu'en l'etat du prince, il y avoit exces de plus de sept mille
livres_. Joinville, emporte par sa vivacite, dit hautement "que _la
malle-aventure l'en faisoit parler_; que le monarque manqueroit a ce
qu'il se devoit s'il ne s'attachoit de si braves gens, qu'il y alloit de
son in
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