_Il se prepare a son retour en France_.
Le saint roi commenca a s'occuper de son retour en France; tout l'y
rappelait. La guerre s'etait rallumee dans la Flandre entre les
Dampierre et les Davesne, et tous leurs voisins y prenaient parti. Il
n'y avait plus de treve avec l'Angleterre. Henri, fortifie de l'alliance
de la Castille, venait de passer en Guyenne, a la tete d'une puissante
armee. La Normandie se preparait ouvertement a le recevoir; tout, en un
mot, semblait menacer le royaume d'une revolution generale. Le monarque
voyait d'ailleurs qu'il ne pouvait rien entreprendre dans la Palestine.
Il ne lui arrivait de ses etats que tres-peu de troupes, et encore moins
d'argent, comme si ses sujets eussent voulu le contraindre a revenir.
Malgre tant de raisons il ne voulut rien decider sans avoir auparavant
consulte le Seigneur. Il fit ordonner des prieres et des processions
publiques, pour demander a Dieu de lui faire connaitre sa volonte. Tous
les seigneurs francais lui conseillerent de partir. Les chretiens meme
du pays, etaient de cet avis. Ils se voyaient en possession d'un nombre
de places bien fortifiees, Acre, le chateau de Caifa, Cesaree, Jaffe,
Tyr et Sidon: c'etait assez pour se defendre contre les Sarrasins, en
attendant que de plus grands secours les missent en etat de reprendre
Jerusalem. Il fut donc resolu qu'il s'embarquerait au commencement de
l'annee suivante, c'est-a-dire, immediatement apres Paques.
Ensuite il recommanda au legat, qui avait ordre du pape de demeurer dans
la Palestine, d'avoir grand soin de cette chretiente, si fort exposee a
la cruaute des mahometans. Il lui laissa beaucoup d'argent et un assez
bon nombre de troupes.
_Son depart de Saint-Jean-d'Acre_.
Joinville eut ordre de conduire la reine et les petits princes a Tyr: le
saint monarque ne tarda pas de les aller joindre; et, dans les premiers
jours de careme, il se rendit avec eux a Saint-Jean-d'Acre, ou se devait
faire l'embarquement.
Cette ville etait alors la capitale et la plus forte place du royaume de
Jerusalem. Il y laissa cent chevaliers sous le commandement de Geoffroy
de Sargines qui, en qualite de lieutenant d'un si grand prince, eut tout
pouvoir dans les affaires publiques, et que son rare merite fit depuis
senechal et vice-roi de Jerusalem. Ce brave seigneur, soutenu de
temps en temps par quelques secours qui lui venaient d'Europe, sut se
maintenir trente ans durant contre la puissance des mahometans.
Tout et
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