murmuraient de cette
severite, il dit qu'il aimerait mieux souffrir ce meme supplice, que de
rien omettre pour arreter un tel scandale.
Mais, ce qui etait de la derniere importance, il s'appliqua surtout a
remplir son conseil de gens habiles, desinteresses, vertueux, dignes
enfin de la confiance d'un roi qui ne cherche que le bonheur de ses
sujets; car il n'etait pas de ces princes, ou trop faciles, qui
n'ecoutent qu'un favori toujours interesse qui les trompe, ou trop
presomptueux, qui ne s'en rapportent qu'a leurs propres lumieres. Sa
maxime etait de prendre du temps pour accorder ce qu'on lui demandait,
afin de pouvoir consulter. Aussi, ne lui vit-on jamais compromettre son
autorite. Ce qu'il avait resolu etait toujours le meilleur et demeurait
fixe et invariable; mais cela ne l'empechait pas, dit Joinville, de se
decider sur-le-champ.
Les rois, ses predecesseurs, envoyaient des commissaires dans les
provinces, pour examiner et reparer les injustices qui s'y pouvaient
faire; avant son voyage d'outre-mer, il avait constamment suivi cette
louable coutume; mais, craignant que cela ne fut pas suffisant, il
resolut d'y aller lui-meme, et commenca cette annee la visite de son
royaume.
_Le roi fait la visite de son royaume_.
Il se rendit d'abord en Flandre, puis en Picardie, ensuite a Soissons,
ou il vit le sire de Joinville qu'il combla de caresses. _Quand je fus
devers lui_, dit le bon senechal, _il me fit si grande joie, que tous
s'en emerveillaient_. Comme on connaissait le credit de ce seigneur, il
fut charge de demander la princesse Isabelle, fille du roi, pour Thibaut
V, comte de Champagne et roi de Navarre, prince de la plus grande
esperance.
Mais Louis ne voulut point entendre parler de cette alliance, que le
jeune prince n'eut fait justice a la comtesse de Bretagne, sa soeur, qui
avait des pretentions assez considerables sur les comtes de Champagne et
de Brie. En vain le senechal insista; le monarque fut inebranlable.
Ces pretentions consistaient en ce que le comte de Bretagne avait epouse
Blanche de Champagne, fille ainee du comte Thibaut, dernier mort, qui
l'avait eue d'Agnes de Beaujeu, sa premiere femme, dont il etait veuf
quand il epousa Marguerite de Bourbon, mere du jeune roi de Navarre; de
sorte que Blanche demandait a rentrer en partage de la succession de son
pere, et avait des droits au moins sur une partie de la Champagne.
Le roi voulait que cette affaire fut terminee, avant qu'on parlat d
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