ant pret pour le depart, Louis a pied, accompagne du legat,
du patriarche de Jerusalem, de Geoffroy de Sargines, et de toute la
noblesse de la Palestine, prit le chemin du port. Il passait entre deux
haies d'un peuple nombreux, accouru de tous cotes pour voir encore une
fois ce genereux bienfaiteur, qu'ils appelaient _le pere des chretiens_.
L'air retentissait de ses louanges, et chacun s'efforcait de lui
temoigner sa reconnaissance, les uns par la vivacite de leurs
acclamations, les autres par la sincerite de leurs larmes, tous par
les benedictions sans nombre dont ils le comblaient. On voyait sur son
visage un fond de tristesse qui temoignait assez son regret de n'avoir
pas fait pour eux tout ce qu'il aurait desire; mais, d'un autre cote,
on lisait dans ses regards, plus expressifs que ses paroles, qu'on le
verrait bientot a la tete d'une nouvelle croisade.
Toutes les personnes qui devaient passer en Europe s'embarquerent sur
une flotte de quatorze vaisseaux; et, le lendemain, fete de saint Marc
1254, on mit a la voile. Le roi fit remarquer a Joinville que c'etait le
jour de sa naissance. "La rencontre est heureuse, repondit le senechal
en riant: c'est effectivement renaitre une seconde fois que d'echapper
d'une terre si perilleuse."
Le legat avait donne au roi un ciboire rempli d'hosties consacrees, soit
pour l'usage de sa propre devotion, soit pour la consolation de ceux
qui pourraient mourir dans le passage. Il fit placer ce sacre tresor a
l'endroit le plus decent de son navire, dans un tabernacle precieux,
couvert d'un riche pavillon. Tous les jours on y recitait solennellement
l'office divin; les pretres, revetus de leurs habits sacerdotaux y
faisaient les ceremonies et recitaient les prieres de la messe, a la
reserve de la consecration. Le monarque assistait a tout. Rien n'egalait
ses soins pour les malades: il les visitait souvent, leur procurait tous
les soulagemens qui dependaient de lui, et prenait soin de leur salut
encore plus que de leur guerison. Il y avait sermon trois fois la
semaine, sans parler des instructions particulieres et des catechismes
qu'il faisait faire aux matelots quand le calme regnait. Quelquefois il
les interrogeait lui-meme sur les articles de foi, et ne cessait de leur
rappeler qu'etant toujours entre la vie et la mort, entre le paradis
et l'enfer, ils ne pouvaient trop se hater de recourir au sacrement de
penitence. Tel fut l'effet des soins et de l'exemple du pieux monarque,
qu'
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