je ne vous ai retenu que jusques a Paques: que me
demandez-vous pour me continuer le service encore un an? Je ne suis
point venu, sire, repondit le seigneur champenois, pour telle chose
marchander: je demande seulement que vous ne vous courrouciez de chose
que je vous demanderai, ce qui vous arrive souvent: je vous promets, de
mon cote, que de ce que vous me refuserez je ne me courroucerai mie.
Cette naivete divertit beaucoup le roi, qui dit qu'il le retenait a tel
convenant. Aussitot il le prend par la main, le mene a son conseil et
lui rend compte de la condition du traite. Chacun se mit a rire, et la
joie fut grande de quoi il demeurait[1]."
[Note 1: Joinville, page 95.]
Cependant, quoique le roi eut peu de troupes, c'etait pour lui un etat
bien penible de demeurer toujours sur la defensive et de ne s'occuper
qu'a rebatir des forteresses. Il avait neanmoins recu de France quelques
renforts; mais ils n'etaient pas encore assez nombreux, joints avec les
troupes qu'il avait, pour tenir la campagne. Il resolut de faire une
tentative sur Naplouse, qui etait l'ancienne Samarie. Il proposa son
dessein aux seigneurs du pays, et aux chevaliers du Temple et de
l'Hopital, qui l'approuverent, lui dirent qu'ils repondaient de la
reussite; mais que, comme cette entreprise etait perilleuse, ils le
suppliaient de les en charger sans exposer sa propre personne. Le roi
dit qu'il en voulait etre. On s'opiniatra de part et d'autre; et, comme
d'un cote le roi etait determine a prendre part au danger, et que de
l'autre cote les seigneurs croyaient que c'etait trop risquer, on
abandonna ce dessein.
_Entreprise sur Belinas, ou Cesaree de Philippe._
Peu de jours apres, il leur proposa l'attaque de Belinas, autrefois
Cesaree de Philippe: la proposition fut encore accordee, mais a la meme
condition que le roi n'y paraitrait pas. Il se laissa vaincre cette
seconde fois, et confia a ses generaux la conduite de l'entreprise. Elle
etait hardie. La ville etait batie a mi-cote sur le mont Liban: elle
avait trois enceintes de murailles, et plus haut, a la distance de pres
d'une demi-lieue, etait le chateau nomme Subberbe.
Les troupes partirent la nuit; et, le lendemain au point du jour, elles
arriverent dans la plaine, au pied de l'enceinte de Belinas. On partagea
les attaques, et il fut resolu que ce qu'on appelait la bataille du roi,
ou les gendarmes du roi, c'est-a-dire ceux qui etaient a sa solde, se
posteraient entre le chateau et la p
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