e tue. Mort ou vif, dit l'intrepide chevalier, j'en
porterai des nouvelles au roi, ou j'y demeurerai. Il arrive avec un
corps de troupes, attaque les barbares, les enfonce, degage le digne
favori du monarque, et le ramene avec tous ses gens. La ville, pendant
ce temps-la, avait ete pillee, saccagee et brulee, et les vainqueurs
vinrent rejoindre le roi a Sidon.
Ce fut pour eux un spectacle bien triste, mais en meme temps d'une
grande edification, que celui qu'il leur donna a leur arrivee.
Nous avons dit que le soudan de Damas, peu content de raser les
fortifications naissantes de la ville de Sidon, avait fait egorger
plus de deux mille chretiens qui etaient sans defense. Leurs corps
demeuraient exposes dans la campagne, sans sepulture, corrompus et
deja d'une puanteur insupportable. Louis, a cette vue, sent son coeur
s'attendrir, appelle le legat, lui fait benir un cimetiere; puis,
relevant de ses propres mains un de ces cadavres: "Allons, dit-il a ses
courtisans, allons enterrer des martyrs de Jesus-Christ." Il obligea les
plus delicats d'en faire autant. Cinq jours y furent employes; ensuite
il donna ses ordres pour le retablissement de Sidon. Tous les jours, des
le matin, il etait le premier au travail, et l'ouvrage fut acheve avec
une extreme depense, malgre le naufrage d'un vaisseau qui lui apportait
des sommes considerables. Lorsqu'il en recut la nouvelle, il dit ces
paroles memorables: _Ni cette perte, ni autre quelconque, ne sauroit me
separer de la fidelite que je dois a mon Dieu_.
Les diverses negociations avec les emirs d'Egypte et avec le soudan
de Damas, qui avaient ete si favorables au roi, le retablissement de
plusieurs places importantes et ces divers combats dont j'ai parle,
furent ce qui se passa de plus memorable dans l'espace de pres de quatre
annees que le roi sejourna en Palestine, depuis sa delivrance. Durant ce
sejour, il satisfit de temps en temps sa devotion par la visite d'une
partie des saints lieux ou il pouvait aller, sans s'exposer a un peril
evident. Il partit d'Acre et fit le voyage avec une piete que tous ceux
qui en furent temoins ne pouvaient cesser d'admirer. Il arriva, la
veille de l'Annonciation, a Cana en Galilee, portant sur son corps
un rude cilice: de la il alla au Mont-Thabor, et vint le meme jour a
Nazareth. Sitot qu'il apercut de loin cette bourgade, il descendit de
cheval, se mit a genoux pour adorer de loin ce saint lieu ou s'etait
opere le mystere de notre redemption. I
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