bons appointemens. J'ai trois
chevaliers portant bannieres, qui me coutent chacun quatre cents livres;
il me faudra bien huit cents livres pour me monter, tant de harnois que
de chevaux, et pour donner a manger a ces chevaliers, jusqu'au temps de
Paques. Or, regardez donc, sire, si je me fais trop dur. Alors compta le
roi par ses doigts. Sont, fit-il, deux mille livres. Eh bien, soit, je
vous retiens a moi: je ne vois point en vous d'outrage."
[Note 1: Joinville, _ibid._]
Joinville avait grand besoin de ce secours d'argent, car il n'avait plus
que quatre cents livres, qui meme avaient couru grand risque. Il les
avait donnees en garde au commandeur du Temple, qui des la seconde fois
qu'il envoya prendre quelque chose sur cette somme, _lui manda qu'il
n'avoit aucuns deniers qui fussent a lui, et qui, pis est, qu'il ne le
connoissoit point_. Le senechal fit grand bruit, et publia partout que
les Templiers _etoient larrons_. Le grand-maitre, effraye des suites de
cette affaire, eut d'abord recours aux menaces; ensuite il jugea plus a
propos de rapporter le petit tresor, et de fait le rendit: _Dont je fus
tres-joyeux_, ajoute Joinville, _car je n'avois pas un pauvre denier;
mais bien protestai de ne plus donner la peine a ces bons religieux de
garder mon argent_.
Le roi, apres le depart des deux princes ses freres, ayant fait faire
des levees de soldats, ne fut pas long-temps sans avoir un corps de
troupes assez considerable pour se faire craindre par les differens
partis qui s'etaient formes entre les Sarrasins, apres la mort
d'Almoadan, dernier soudan d'Egypte. La division qui s'etait mise entre
les differens emirs qui avaient partage ses etats, etait encore une
des raisons qui avaient determine le roi a differer son depart de la
Palestine.
_Ambassade du soudan de Damas au roi_.
En effet, le soudan de Damas, cousin d'Almoadan, envoya une ambassade
au roi, pour lui offrir de le laisser maitre de tout le royaume de
Jerusalem, s'il voulait se joindre a lui contre les Mamelucks. Le roi
ayant entendu les ambassadeurs, leur donna de bonnes esperances, et
fit porter sa reponse au soudan de Damas par un religieux de
Saint-Dominique, nomme Yves-le-Breton. Cette reponse fut que le roi
enverrait incessamment aux emirs d'Egypte pour savoir d'eux s'ils
etaient determines a ne pas mieux observer qu'ils n'avaient fait
jusqu'alors, le traite de Damiette, et que, s'ils continuaient a le
violer, le soudan pouvait etre assure qu'
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