un peu trop abandonne a la
poursuite des ennemis, il fut coupe par pres de six mille Sarrasins
qu'il apercut trop tard, qui vinrent fondre sur son escadron. Le
seigneur de Trichateau, qui portait la banniere, fut tue. Raoul
de Vainon fut pris, mais delivre aussitot par Joinville. Ceux qui
l'accompagnaient ayant serre leur escadron, se firent jour l'epee a la
main pour gagner une maison voisine, et s'y defendre. Ils etaient la
plupart demontes, et furent charges dans leur retraite: un escadron
entier passa sur le corps de Joinville, qui ne fut point pris,
parce qu'on le crut mort; il se releva, et gagna la maison avec ses
chevaliers. Les infideles revinrent pour les y forcer, et le combat
recommenca. Les seigneurs d'Escosse, Raoul de Vainon, l'Oppey et Sugerai
y furent blesses: celui-ci fut envoye par Joinville au comte d'Anjou,
qui etait le plus a portee de les secourir. Ce prince s'avanca aussitot
vers eux et les delivra, apres avoir dissipe les ennemis.
Cependant le roi parut en bataille sur le haut d'une colline, d'ou
il vint fondre, avec un grand bruit de trompettes, de tambours et de
timbales, sur l'armee sarrasine, qu'il fit attaquer l'epee et la lance a
la main: la charge fut terrible, mais elle fut courageusement soutenue.
Ce vaillant prince, monte sur un grand cheval de bataille, etait dans
l'impatience de charger lui-meme; mais, par le conseil du seigneur Jean
de Vallery, grand capitaine, et tres-experimente, il s'avanca vers
la droite, pour s'approcher du Nil. Les Sarrasins dont les troupes
grossissaient toujours, firent aussi approcher leur aile gauche de la
riviere. Le choc fut rude en cet endroit; quelques escadrons francais
plierent. Ils abandonnerent le roi, et s'enfuirent vers le camp du duc
de Bourgogne; mais, comme leurs chevaux etaient extremement fatigues, la
plupart porterent la peine de leur lachete, en se noyant dans la riviere
qu'il fallait passer pour gagner le camp.
Bientot tout retentit de la nouvelle du danger ou etait le roi. Le
connetable de Beaujeu, qui etait a la tete de six cents cavaliers,
delibera avec Joinville sur ce qu'il y avait a faire pour lui donner
du secours; mais s'apercevant que, pour aller droit a lui, il fallait
percer un corps d'environ deux mille Sarrasins, qui etait entre eux
et le roi, et qu'il aurait ete difficile de rompre, ils resolurent de
prendre un detour pour les eviter. Ils trouverent sur leur route un
ruisseau sur lequel il y avait un petit pont. Quand il
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