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l'armee, les ennemis chargerent l'arriere-garde, et prirent le seigneur
Errart de Valery; mais il fut repris par Jean son frere, et ils
n'oserent plus revenir. Des que l'armee eut passe la riviere du Thanis,
et que le roi se fut joint au camp du duc de Bourgogne, il fit embarquer
sur ce qui lui restait de vaisseaux les malades et les blesses, avec
ordre de descendre la riviere, et de regagner Damiette. Plusieurs
compagnies d'archers furent commandees pour les escorter: il y avait un
grand navire sur lequel se mit le legat avec quelques eveques. Tous
les seigneurs conjurerent le roi d'y monter aussi; mais, quoique
tres-faible, et pouvant a peine se soutenir, "il protesta qu'il ne
pouvait se resoudre a abandonner tant de braves gens qui avaient expose
si genereusement leur vie pour le service de Dieu et pour le sien; qu'il
voulait les ramener avec lui, ou mourir prisonnier avec eux."
Il marcha donc a l'arriere-garde que commandait toujours l'intrepide
Chatillon; et, de tous ses gendarmes, Louis ne retint avec lui que le
seul Geoffroi de Sargines. L'etat ou sa maladie l'avait reduit ne lui
permit pas de se charger de tout l'attirail de la guerre, qui etait
alors en usage. Il etait monte sur un cheval de petite taille, dont
l'allure douce s'accommodait davantage a sa faiblesse, sans casque, sans
cuirasse, sans autres armes que son epee. L'armee avait fait peu de
chemin, lorsqu'elle se vit harcelee par les troupes sarrasines, qui
tombaient de toutes parts sur elle, sans neanmoins s'engager au combat.
Guy Duchatel, eveque de Soissons, de la maison de Chatillon, ne pensant
qu'a perir glorieusement, s'abandonna dans une de ces escarmouches au
milieu des ennemis: et, apres en avoir tue un grand nombre de sa main,
il trouva enfin cette glorieuse mort qu'il cherchait en combattant
pour Jesus-Christ. On croyait alors que les canons qui defendent aux
ecclesiastiques de manier les armes, ne s'etendaient pas jusqu'aux
guerres saintes, et que les pasteurs qui quittaient leur troupeau pour
courir apres les loups, etaient en droit de les tuer.
Chatillon et Sargines montrerent plus de conduite sans faire paraitre
moins de valeur; ils soutinrent, presque seuls, tout l'effort des
barbares. Le saint roi ne cessait, depuis, de faire en toutes rencontres
l'eloge de ces deux guerriers, et disait que jamais il n'avait vu de
chevaliers faire tant et de si vaillans exploits pour le defendre
dans cette facheuse extremite. Ce fut ainsi que
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