e devait guere attendre une pareille morale de la
part d'un mahometan, les prisonniers tirerent de la un bon augure pour
leur delivrance.
_Traite du roi pour sa liberte avec Almoadan, soudan d'Egypte_.
Almoadan, n'esperant plus rien obtenir des seigneurs francais, se tourna
du cote du roi, lui fit faire les memes demandes, et en recut les
memes reponses. Alors, transporte de colere, il le fit menacer, s'il
persistait dans son obstination, de le faire mettre en bernicles,
espece de torture tres-cruelle, dont Joinville a voulu nous faire la
description; mais il s'est si mal explique, qu'il est difficile d'y
comprendre quelque chose.
Louis, toujours egal a lui-meme, repondit avec modestie: _Je suis
prisonnier du sultan; il peut faire de moi a son vouloir_. Le soudan,
convaincu qu'il ne gagnerait rien par cette voie, fit proposer au roi de
donner pour sa rancon et pour celle des autres prisonniers, un million
de besans d'or, et la ville de Damiette. Louis repondit avec une noble
fierte, _qu'un roi de France n'etoit point tel, qu'il se voulut redimer
pour aucune finance de deniers; mais qu'il donneroit la ville pour sa
personne, et payerait le million de besans pour la delivrance de sa
gent_. Le sultan, etonne de la generosite de son prisonnier, s'ecria:
_Par ma loi! franc et liberal est le francais, qui n'a voulu barguigner,
mais a octroye de faire et payer ce qu'on lui a demande. Or, lui allez
dire que je lui remets le cinquieme de la somme, et qu'il n'en
payera que huit cent mille besans_, lesquels, selon quelques auteurs
contemporains, reduits a la monnaie de France de ce temps-la, faisaient
environ cent mille marcs d'argent.
Le traite fut conclu a ces conditions: "Qu'il y auroit treve pour dix
ans entre les deux nations; que tous les prisonniers qu'on avoit faits
de part et d'autre, non-seulement depuis l'arrivee des Francais, mais
encore depuis la suspension d'armes avec l'empereur Frederic, seroient
remis en liberte; que les chretiens possederoient paisiblement toutes
les places qu'ils tenoient dans la Palestine et dans la Syrie; que le
roi payeroit huit cent mille besans d'or pour la rancon de ses sujets
captifs, et donneroit Damiette pour sa personne, que tous les meubles
que le monarque, les princes, les seigneurs, et generalement tous les
chretiens, laisseroient dans cette ville, y seroient conserves sous la
garde d'Almoadan, jusqu'a ce que l'on envoyat des vaisseaux pour les
transporter ou l'on jugeroit a
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