marechal, qui l'avait suivi,
jugea plus a propos, pour eviter l'indignation publique, de lui en
remettre les clefs. Joinville y puisa sans facon tout l'argent dont on
avait besoin, et l'apporta aux pieds de Louis, _qui fut_, dit
Joinville, _moult joyeux de sa venue_. Ainsi le payement fut acheve, au
contentement du religieux prince, et le comte de Poitiers fut remis en
liberte.
Tout etait pret pour le depart, lorsque le comte de Montfort, qui avait
ete charge de payer, croyant avoir fait un trait d'habile homme, vint
dire au roi, en riant, que les Sarrasins s'etaient trompes de 20,000
besans d'or, et qu'il etait bien aise d'avoir ete plus fin que des
traitres qui n'avaient ni foi ni loi. _Mais le roi_, dit Joinville, _se
courrouca tres-aprement, et renvoya Montfort, au grand danger de sa vie,
restituer cette somme a des barbares, dont l'infidelite ne devait point
servir d'exemple pour un prince chretien_.
Avant que cette affaire fut entierement terminee, le comte Pierre de
Bretagne, le comte de Flandre, le comte de Soissons et plusieurs autres
seigneurs etaient venus prendre conge du roi, qui ne put obtenir d'eux
d'attendre la delivrance du comte de Poitiers pour les accompagner. Ils
mirent a la voile pour retourner en France; mais le comte de Bretagne
n'eut pas la satisfaction de revoir sa patrie: il mourut pendant le
voyage.
Enfin, le roi ayant satisfait a tous les articles du traite avec une
exactitude qui allait jusqu'au scrupule, le comte de Poitiers vint le
joindre, et aussitot on fit voile pour la Palestine.
L'embarquement s'etait fait avec tant de precipitation, que _les gens
du roi ne lui avoient rien appareille, comme de robes, lit, couche, ne
autre bien_; a peine se trouva-t-il quelques matelas sur lesquels il put
reposer. _Il faisoit venir Joinville, lui permettait de se seoir empres
sa personne, pour ce qu'il etoit malade_. Apres lui avoir detaille
tout ce qui s'etait passe a sa prise, il lui ordonnait de raconter ses
aventures particulieres, trouvant toujours le moyen de rapporter tout a
Dieu. Tant de malheurs qui lui etaient arrives coup sur coup, n'avaient
pu, dit l'ingenu senechal, lui faire oublier le comte d'Artois, son
frere: _Il plaignoit a merveille sa mort_. Un jour il demanda ou etait
le comte d'Anjou, qui, quoique sur le meme vaisseau, _ne lui tenoit
aucune compagnie_. On lui repondit qu'il jouait avec Gautier de
Nemours[1]. Aussitot il se leva, un peu echauffe, se fit conduire a la
ch
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