i passaient pour des miracles aux yeux
de ces bonnes gens, qu'il en assembla un grand nombre et les engagea a
le suivre. Ce fut de ces gens-la qu'il commenca a former sa milice a qui
on donna pour cette raison le nom de _pastoureaux_. Elle fut bientot
grossie par une multitude infinie d'autres gens de la campagne, de la
lie du peuple, de tous les vagabonds et de tous les voleurs du royaume.
La regente, qui avait besoin de soldats pour envoyer en Palestine au
secours du roi, ne s'opposa pas d'abord a cette manie dont elle esperait
tirer avantage; mais ces pastoureaux commirent tant de desordres, ils
s'abandonnerent a tant d'exces, et porterent leur insolence si loin
contre les eveques, les ecclesiastiques, les religieux; et leur chef,
dans ses predications, parla contre l'Eglise et le pape avec tant
d'audace et d'impudence, que la regente, informee de ces desordres
ouvrit enfin les yeux, et reconnut modestement sa faute et avoua qu'elle
avait ete trompe par la simplicite apparente de ces imposteurs; aveu qui
pourrait paraitre humiliant de la part d'une reine consommee dans les
affaires par une longue experience, mais qui fait connaitre reellement
une grande ame, que l'amour-propre, si naturel aux grands, ne sait point
aveugler.
Elle envoya partout des ordres aux magistrats et aux peuples de
prendre les armes pour les dissiper. Bourges cependant ignorait cette
proscription: on y recut le pretendu prophete avec honneur. Jacob y
fit entrer une partie de ses gens; les autres se repandirent dans les
environs. Le clerge, objet eternel de leur haine, s'etait cache ou
retire. Il n'y eut personne de tue; mais la synagogue des Juifs fut
forcee, leurs livres brules, leurs maisons pillees. Le maitre precha
avec son impudence ordinaire; il avait promis des miracles, mais il
n'eut pas l'adresse d'en faire: le peuple se retira fort desabuse. Ce
fut apparemment sur ces entrefaites qu'arriverent les ordres de la
regente; mais deja les pastoureaux etaient sortis de la ville. Les
habitans, honteux de leurs menagemens pour cette bande de scelerats,
courent aux armes, sortent en foule apres eux, et les joignent entre
Mortemer et Villeneuve sur le Cher. Le Hongrois Jacob, leur maitre,
atteint des premiers par un boucher, est assomme a coups de hache; une
grande partie de ses gens demeure sur la place. Plusieurs tombent entre
les mains des magistrats et perissent par la corde: le reste se dissipe
comme de la fumee.
Une autre troupe de ce
|