s fanatiques, sous la conduite d'un des lieutenans
de Jacob, se presente aux portes de Bordeaux. Interroges quelle etait
leur mission, ils repondent qu'ils agissaient par l'autorite de Dieu
tout-puissant et de la Vierge sa mere. Le voile de la seduction etait
tombe, on leur signifia que, s'ils ne se retiraient promptement, on les
poursuivrait avec toutes les troupes du pays: cette simple menace suffit
pour les disperser. Leur chef se deroba secretement, monta sur un
vaisseau pour retourner chez les Sarrasins, d'ou il etait venu; mais,
reconnu par les mariniers pour l'un des compagnons du Hongrois, il fut
jete dans la Garonne, pieds et mains lies. On trouva dans son bagage
beaucoup d'argent, des poudres empoisonnees, des lettres ecrites en
arabe, qui marquaient un engagement de livrer dans peu un grand nombre
de chretiens aux infideles.
Un second lieutenant de l'imposteur etait passe en Angleterre, ou il
avait rassemble cinq ou six cents villageois; mais lorsqu'on y fut
instruit de la maniere dont les disciples du Hongrois avaient ete
traites en France, ce lieutenant fut arrete et mis en pieces par ceux
memes qu'il avait seduits.
Telle fut la fin malheureuse des pastoureaux. La plus grande partie
perit, ou par l'epee, ou par la main des bourreaux: on n'en excepta que
ces trop simples paysans dont on avait surpris la bonne foi. Les uns,
touches d'un veritable repentir, allerent expier leur egarement au
service du roi dans la Terre-Sainte; les autres, se voyant sans chef,
regagnerent comme ils purent leurs troupeaux et leurs charrues. Ainsi
fut dissipee une illusion, dont on comprend aussi peu l'accroissement
prodigieux que la fin si subite.
_Occupations du roi dans la Palestine_.
Cependant, des que le roi fut arrive a Saint-Jean-d'Acre dans la
Palestine, il s'empressa d'envoyer les quatre cent mille besans d'or qui
restaient a payer, tant pour retirer les malades et les effets qu'on
avait du garder a Damiette, que pour racheter les captifs qu'on avait
transferes au Caire, contre la foi des traites. Mais ce voyage fut
inutile: les ambassadeurs, apres avoir essuye toutes sortes de delais,
rapporterent une partie de l'argent, et ne ramenerent avec eux que
quatre cents prisonniers, de plus de douze mille qu'ils etaient. Les
Sarrasins ne tarderent pas a se repentir d'avoir delivre le roi a si bon
marche. Ils avaient, comme on l'a dit, brule toutes ses machines, pille
ses meubles, egorge les malades. Il ne fut pas plus
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