termes: "Que,
s'il violait son serment, il serait repute parjure, comme un chretien
qui a renie Dieu, son bapteme et sa loi, et qui, en depit de Dieu,
crache sur la croix et la foule aux pieds." Il protesta que ces
horribles paroles ne sortiraient jamais de sa bouche. Les emirs ayant
appris la reponse du roi, en furent tres-irrites, et assurerent celui
qui la leur porta, que, s'il ne faisait ce serment (comme eux avaient
fait le leur de la maniere qu'il avait voulu), ils lui couperaient la
tete, et a tous les seigneurs de sa suite. Cette menace, rapportee au
roi, ne l'ebranla pas plus que les instances que lui firent les
deux princes ses freres, qui lui representaient qu'il devait passer
par-dessus ce scrupule, puisqu'il etait en resolution d'executer sa
promesse avec toute l'exactitude possible.
Les emirs pleins de rage vinrent a sa tente, comme pour lui oter la vie;
mais l'avarice etait un frein qui arretait leur fureur: ils craignaient
de perdre la grosse rancon que le roi avait promise, et ils voulaient
avoir Damiette. S'imaginant que le patriarche de Jerusalem etait celui
qui empechait le roi de les satisfaire, un emir fut sur le point de lui
couper la tete; mais ils se contenterent de le faire lier a un poteau,
ou ils lui firent serrer les mains avec tant de violence, qu'elles
furent en un moment horriblement enflees, et que le sang en ruisselait.
Ce pauvre vieillard qui avait quatre-vingts ans, presse par la douleur,
criait au roi de toute sa force: "Ah! sire, jurez hardiment: j'en
prends le peche sur moi et sur mon ame, puisque vous avez la volonte
d'accomplir votre promesse." Le roi tint ferme, et les emirs, voyant
qu'il se mettait peu en peine de toutes leurs menaces furent contraints
de se contenter de la premiere partie du serment qu'ils lui avaient
prescrit, et que les seigneurs francais firent aussi.
Les Sarrasins donnerent la couronne a la sultane Sajareldor, lui firent
serment de fidelite, et choisirent entre eux des generaux pour commander
les armees sous son autorite. Ce fut avec eux que le roi arreta
definitivement les articles du traite.
Les vaisseaux qui portaient le roi et les prisonniers voguerent vers
Damiette, ou l'on etait dans la derniere consternation sur les differens
bruits qui avaient couru touchant la personne du roi et celles des deux
princes ses freres. La comtesse d'Artois y etait dans la plus grande
affliction de la mort de son mari. L'incertitude du sort du roi et des
princes,
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